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l'interviewé

István SOLTÉSZ



né en 1967 à Mezokovesd, Hongrie
Formation Ingénieur (Miskolc)
Ingénieur en mécanique
(Collège agricole de Nyiregyhaza)
travaille 5 ans dans une pisciculture
membre du Photo Club
de Nyiregyhaza depuis 1987
membre du Photo Art Studio
of Young Artists (1994)
membre de l'Alliance des
Artistes Photographes Hongrois (1995)
Suit l'enseignement de Jozsef Pecsi

Habite à Nyiregyhaza
lecteur au Département de Culture Visuelle
du Collège de Nyiregyhaza.

a construit et développé
un système de chambre grand format
appelé "Argentum"
Ce système d'appareil
est utilisé
par de nombreux photographes
dans le monde entier

 

In english

http://www.argentumcamera.com
 

 

Argentum 

Interview réalisée par Thierry Rebours

 


István Soltész

 

István Soltész, vous êtes le fondateur et directeur d'Argentum, qui n'est pas encore connu en France (la boutique de Galerie-Photo ne présente Argentum que depuis quelques mois).
Pourquoi le nom d'Argentum, et pouvez-vous nous retracer l'histoire de la marque ?

Argentum est le mot latin pour désigner l'argent. A ce jour, l'argentique équivaut à la tradition et au savoir-faire en photographie, ce qui est très important pour moi. En plus, le mot sonne bien et je pense que ce mot latin n'est pas seulement agréable aux oreilles hongroises mais à toutes. Les noms de plusieurs appareils d'Argentum viennent aussi du latin comme excursor, qui renvoie au promeneur, au marcheur, ou comme explorator, qui renvoie au voyage et à la découverte.

J'ai construit mon premier appareil il y a 15 ans. Je voulais faire de la photo avec un appareil grand format. Le but me motivait. Bien sûr, les difficultés techniques de la construction me titillaient aussi, mais j'ai toujours autant cette envie de photographier aujourd'hui, en même temps que le goût technique. J'aime toutes les étapes de la prise de vue, et ces étapes comprennent aussi la construction de l'appareil avec lequel je vais prendre la photographie. Je réalise l'appareil avec mon savoir-faire technique mais aussi en tant que photographe enthousiaste.

Je n'ai bien entendu pas du tout été content de ma première chambre, c'est pourquoi elle a été suivie de beaucoup d'autres, jusqu'à ce que j'ai accumulé assez d'expérience pour servir ma première commande. C'était il y a 8 ans. Ca a été le temps où la première chambre portant le nom d'Argentum a été finie et munie d'un numéro de production. Je ne remercierai jamais assez mon premier client. Avec le temps nous sommes devenus de bons amis et je lui ai réalisé sa quatrième chambre Argentum.

 

 

 

Vous travaillez en Hongrie. Trouvez-vous facilement du beau bois bien sec ?

Mon premier stock de chambres a été fait en cerisier. Nous autres hongrois avons cette chance que nos ancêtres aient planté un grand nombre de cerisiers sauvages dans les forêts hongroises, d'où nous tirons du bois de très haute qualité. J'utilise du bois séché artificiellement. Il est stocké dans les conditions appropriées au moins un an avant d'être employé à la construction des chambres. Il peut parfois m'arriver d'avoir un tronc fraîchement coupé, et de pouvoir ainsi contrôler la façon dont il va être scié, mais ce bois exige d'être gardé pendant des années avant qu'on puisse en faire une chambre. Je teste aussi le noyer, peut-être que je ferai des chambres Argentum avec.

 

 

 

Félicitations en tous cas, vous avez toujours vos 10 doigts !

Merci ! Je fais tout mon possible pour les garder : j'en ai encore besoin. C'est vrai que c'est un travail dangereux qui demande pas mal de concentration. J'espère que nous pourrons toujours en faire une plaisanterie même après des années.

 

Vous travaillez dans une activité manuelle du bois précieux. Comment avez-vous appris le métier ?

J'en suis très reconnaissant à mes professeurs du supérieur : j'ai rencontré à la fois des ingénieurs de talents et de véritables manuels. J'ai le diplôme d'une école technique où je me suis spécialisé dans le design. En dépit du fait que le design était notre spécialité fondamentale, nos professeurs insistaient sur le fait que seuls feraient de bons designers ceux d'entre nous qui seraient capables de fabriquer le produit eux-mêmes. Cela m'a permis d'acquérir une bonne pratique technique. J'ai pu jeter un œil dans tous les stages de fabrication ; mieux, tous ces stages étaient dotés des machines-outils les plus modernes de cette époque. Après, j'ai aussi été dans un collège technique, où j'ai obtenu un diplôme d'ingénieur en mécanique.

Bien sûr, il a fallu que j'apprenne à travailler le bois, lorsque je me suis mis aux chambres. Je n'étais pas menuisier, mais j'ai beaucoup appris avec le temps. Cela a peut-être même été un bien que j'appréhende le travail du bois avec l'approche d'un travailleur du métal. Les menuisiers n'utilisent pas, par exemple, de compas de haute précision (ndt : caliper square), qui est indispensable lorsqu'on travaille avec des exigences de l'ordre de 0,05mm, nécessaires à la fabrication des chambres. Faire des chambres est un travail très complet qui nécessite énormément de savoir et de pratique dans un grand nombre de domaines.

 

 

Quelles parties de la chambre faites-vous vous-mêmes ?

Cela vous surprendra, mais je fabrique presque toutes les pièces de la chambre. Je travaille les pièces en métal et les pièces en bois, je fabrique les soufflets et, sur la plupart des chambres, le dépoli. Quelques chambres présentent quelques pièces qui doivent être produites ailleurs parce que je ne possède pas la machine qui peut les fabriquer. Mais elles sont très peu nombreuses. Les petites tablettes de numérotation des chambres sont bien sûr aussi gravées par quelqu'un d'autre. Je fais de mon mieux pour conserver toute la production chez moi.

 

Votre objectif ets de produire des objets de haute qualité. Avez-vous des "secrets de fabrication" ?

Le secret est probablement ce à quoi je fais allusion dans la question précédente : le secret est de garder l'oeil sur tout. Et il y a aussi autre chose : je ne travaille que sur une chambre à la fois ; je me concentre seulement sur la commande en cours. A côté, des machines et des outils de haute qualité sont nécessaires, et vous ne pouvez jamais dire que vous en avez assez. Il m'arrive parfois de fabriquer la machine qui fera une procédure spéciale pour moi, si aucun industriel n'offre la machine convenable.

 

 

 

Parlez-nous de votre processus...

La première étape est de sélectionner les morceaux de bois avec soin et de travailler ces morceaux pour aboutir aux profils adéquats. C'est ce qui va constituer le squelette de la chambre. Entre-temps il y a aussi pas mal d'autres tâches : ponçage, rabotage, entaillage, beaucoup beaucoup de collage et bien sûr de brûlage. Après on  prépare les pièces métalliques. A partir d'un certain moment c'est fait en parallèle. Lorsque la chambre est complètement assemblée et que j'ai vérifié que tout marche bien, je la démembre de nouveau complètement. Toutes les pièces traitées doivent rester tranquilles 2 ou 3 jours avant d'être remontées à nouveau en final.

 

Le client doit attendre pas mal de temps avant d'obtenir la livraison de sa commande, couramment plus d'un mois. Pouvez-vous expliquer pourquoi ?

Un mois est moins que la vérité. Sur une chambre complexe je ne peux pas passer moins de 250 heures. De tout ce que j'ai déjà dit, il est clair qu'il n'y a pas de production de masse dans mon activité. Un tel type de fabrication à la pièce exclut toute idée de production de masse.

 

 

 

Comment créez-vous de nouveaux modèles ? Combien de temps s'écoule-t-il entre la conception d'un modèle et la première chambre de ce modèle prête à travailler ?

On croit qu'il suffit d'avoir une bonne idée une fois pour toute, et que tout va bien après. C'est vrai d'ailleurs que les bonnes idées arrivent souvent, et que si je peux améliorer une chambre avec, je les utilise. C'est l'avantage de la production artisanale par rapport à la production de masse. Dans une production de masse, c'est très difficile d'apporter un petit changement dans le processus de fabrication. Très souvent une chambre est construite en suivant les demandes spécifiques d'un client, et à ce moment l'ensemble du processus doit être repensé. Une nouvelle idée doit être amendée et transformée avant d'être finalement utilisée. J'ai passé des nuits à penser de toutes mes forces à la façon dont j'allais pouvoir économiser quelques grammes et quelques millimètres.

 

 

Vous inspirez-vous parfois de la concurrence, et quels sont vos "plus" ?

J'ai suivi ma propre voie depuis le début. Argentum est la preuve qu'il est possible de partir d'un concept unique, et de créer un nouveau design dans le domaine de la chambre photographique. Tous le monde n'a pas besoin de tous les raffinements qui peuvent conduire à une chambre très lourde et très onéreuse. Ajoutez à cela que plus une chambre est complexe et plus sa stabilité est menacée. J'ai réalisé cela et entrepris de créer aussi des chambres simples.

Je suis très fier de l'excursor qui est réellement unique avec son son format carré et le châssis que j'ai fabriqué pour elle. Cela fait des années que je photographie moi-même avec une excursor  8x10 et que je vois les autres écrasés sous le poids d'un appareil bien plus lourd que le mien. Il y a un proverbe hongrois qui dit : "souvent le moins est plus".

 

 

 

Combien êtes-vous à Argentum ?

Aujourd'hui nous sommes trois. Mon ami, Peter Toth-Abri, s'occupe de toute la correspondance avec les pays étrangers et réalise les versions anglaises de mes brochures. Tout récemment, les photographies qui ont été prises de mes chambres sont aussi les siennes. Je dois aussi remercier Tibor Babitz . C'est lui qui fabrique les châssis contact. Les cameras obscuras et les châssis d'Argentum sont un travail de tous les deux. La construction des chambres reste de mon seul fait.

 

Pourquoi choisir une chambre Argentum ?

Parce que c'est un "produit hongrois de haute qualité". Ce qualificatif nous a été donné par un client français. Je dois dire que je lui en suis très reconnaissant, car un tel retour me conforte dans la voie que j'ai choisie. Je fais des chambres personnalisées. Le choix des types possibles est vaste. Mes clients peuvent trouver chez nous le type de chambre dont ils ont le plus besoin.

 

 

 

Quels sont vos projets d'avenir ?

Je veux étendre la gamme proposée. J'ai dépensé énormément d'énergie récemment dans le développement du système ULF d'Argentum. Je vise à faire aussi des chambres relativement petites, légères, facile d'emploi et bon marché. A côté de cela, je pense qu'il y aura bientôt des trépieds en bois Argentum sur le marché.

Il y a aussi quelque chose qui n'est pas en rapport immédiat avec la production. Je suis très curieux de voir les photographies que mes clients font avec mes chambres. J'aimerais publier un livre présentant des photographies uniquement prises par des chambres Argentum.

 

Quel marché y a-t-il pour Argentum, entre les fabricants de chambre japonais et américains ?

Je n'ai pas envie d'être un fabricant comme un autre. Si vous regardez tout ce qu'on a déjà dit, il est clair qu'Argentum offre des produits que les autres ne proposent pas. Comme je le remarque, les clients y sont sensibles, et utilisent les possibilités qui leur sont offertes.

 

 

Vous passez énormément de temps à fabriquer des appareils photographiques faits à l'ancienne et hors-âge ; êtes-vous optimiste pour l'avenir ?

Je ne pense pas que ce que je fabrique soit fait à l'ancienne. Les produits Argentum sont contemporains. De ce que j'en sais, il n'y a jamais eu plus de fans de la photographie grand format qu'aujourd'hui. A côté de l'émergence des produits numériques, la photographie argentique reconquiert un statut original artisanal, et j'en suis ravi. De plus, je vois tout à fait la possibilité de combiner les outils classqiues et l'image numérique. Donc je suis plutôt optimiste.

 

 

 

 

 

Dernière mise à jour : 2009

 

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