Construction
d'une chambre collodion 60x60 cm
par Fabrice PEJOUT
J’ai depuis deux ans une chambre de
studio d’époque collodion 50x50cm.
Belle, mais volumineuse et
relativement lourde (25kg) elle est dotée de mouvements assez
réduits (bascule verticale et latérale sur le corps arrière)
L’idée de lui construire une
remplaçante qui soit légère, compacte, dotée de tous les mouvements
m’est apparue comme un challenge, d’autant que je ne suis pas équipé
en machine à bois, ni doté de compétences particulières en
menuiserie. J’ai tout de même acquis une défonceuse qui s’est avérée
bien utile.
Outre le châssis dont je savais que ce
serait la partie la plus fine à réaliser, mais inévitable, le « lit
» (flatbed) soit la partie horizontale de la chambre avec tout un
système de coulisses, de réglage de la mise au point, de montants
verticaux articulés permettant les mouvements et le repliage m’est
apparu d’emblée complexe à réaliser, d’une nécessaire rigidité
alourdissant considérablement le poids total de la chambre.
L’idée de base de cette chambre est
donc de supprimer cette partie pour monter les corps avant et
arrière sur deux pieds indépendants. Ainsi, tous les mouvements
deviennent possibles en bougeant le pied arrière par rapport au pied
avant (mise au point, décentrement horizontal) et en jouant avec les
crémaillères (décentrement vertical) et les rotules (bascules avant
et arrière) Tous ces mouvements n’étant limités que par le soufflet.
Pour valider cette idée, j’ai d’abord
construit une chambre en contre-plaqué, sans châssis, autour d’un
lourd soufflet de repro de format 80x90cm, dotée d’un dépoli en
plexiglas que j’ai réutilisé pour la version définitive. J’ai ainsi
pu vérifier que l’on pouvait effectivement cadrer, faire la mise au
point de façon assez fine, jouer avec les mouvements sans que
l’ensemble ne bascule ou que le poids n’arrache les inserts pour les
écrous de pieds.
Le soufflet constituait la première
étape sans la réussite de laquelle il aurait été inutile d’aller
plus loin. J’ai choisi le design le plus simple possible, à savoir
un soufflet carré de dimensions intérieures de 61x61 cm avec des
plis de 5cm pour en limiter le nombre et donc l’épaisseur finale.
L’extension maximale sera de 200cm pour permettre des portraits un
peu serrés.
Ne disposant pas d’un carton fin de 3
mètres sur 3 j’ai découpé et mis bout à bout des cartes de Canson
Vivaldi 240g pour constituer 4 lés de 76 cm x 270cm, pliés tous les
5 cm.
Les plis entre deux lés contigus ne
doivent pas être dans le même sens. Deux lés ont donc été pliés en
commençant par un pli « sortant », deux autres par un pli « rentrant
». Les lés seront placés côte à côte en alternance. De même, il est
important que les plis soient bien tous de la même largeur et
perpendiculaires au bord sous peine de poser des problèmes au moment
du montage et du pliage. L’assemblage des 4 lés s’est fait en
laissant entre eux un espace identique à la largeur d’un pli , soit
5 cm.
Le collage des lés entre eux est
assuré par une bande de gaffer noir de 15cm de large, collé côté
intérieur du soufflet. L’extérieur sera recouvert d’un tissu
occultant en nylon caoutchouté sur une face (BK5 de chez Thorlabs)
très fin et léger, collé avec de l’adhésif en spray. A l’intérieur,
le soufflet n’est pas doublé et laisse apparaitre le Canson, mis à
part les angles constitués d’une simple couche de nylon collée au
gaffer.
Voilà pour le principe. Les dimensions
importantes, la difficulté de manipulation, le positionnement précis
des lés entre eux, le gaffer qui reste collant entre les lés et qui
a tendance à se coller sur lui-même, la doublure en nylon qui n’est
pas repositionnable alors que le carton pré plié ondule ont
constitué autant d'épreuves dont je suis content de m’être tiré sans
tout jeter à la poubelle, et ce malgré un aspect final qui dans
l’absolu aurait pu être plus propre.
Le pliage a lui aussi été assez
difficile car l’ensemble reste assez informe, s’écrase, tourne, tant
que les plis eux même ne le rigidifient pas.
Au final, mon soufflet fait 71x71cm de
dimensions extérieures et seulement 6 cm d’épaisseur en compression
pour une extension possible de 200cm.
La construction des corps avant et
arrière a été plus simple. J’ai choisi des planchettes de noyer de
10cm de large et 1cm d’épaisseur, pour leur bon rapport
rigidité/poids. Je les ai coupées dans le sens de la longueur en
deux parties de 4 et 6 cm qui constitueront les cadres des corps
avant et arrière. La chambre pliée fera donc 10cm de profondeur.
Ces cadres sont assemblés par simple
collage et vissage entre eux et avec le cadre intérieur en contre-plaqué qui servira d’appui pour le fixage du soufflet ainsi que pour
le châssis.
La construction du châssis est basée
sur l’assemblage de 4 tasseaux en sapin de 2cm d’épaisseur sur 5 cm
de large. La défonceuse m’a ici été utile pour un assemblage à «
mi-bois » c'est-à-dire en rabotant chaque extrémité sur la moitié de
son épaisseur, ce qui permet de les superposer en conservant une
épaisseur finale identique. La même fraise de 25mm m’a permis de
faire des feuillures : 3mm à l’avant pour faire coulisser le volet,
2x 5 mm en escalier à l’arrière pour placer l’insert soutenant la
plaque émulsionnée et pour le couvercle.
La feuillure avant est recouverte par
une baguette en pin de 5 mm d’épaisseur, formant ainsi une fente
pour le volet, et s’arrêtant à 1 cm du bord extérieur, permettant un
emboitement dans le corps arrière de la chambre.
L’étanchéité de la trappe du volet est
assurée par un tube en alu de 5mm logé dans une rainure de 6mm
pratiquée à la défonceuse, et dans lequel passe une corde à piano
repliée aux extrémités, servant de ressort.
J’ai copié le système d’enclippage du
châssis, mais aussi du corps avant et du porte-dépoli, sur les
chambres Deardorff où des clous sans tête plantés dans le châssis ou
le corps avant viennent se clipper dans une languette ressort
métallique aux angles du corps arrière. Je n’ai pas trouvé de
cornière en acier d’une rigidité adaptée pour usiner ces pièces et
j’ai résolu de les découper dans de la cornière alu. Je pense
pouvoir les remplacer à terme.
D’un point de vue fonctionnel, le
corps arrière de la chambre est fixé sur un trépied manfrotto 058
TRIAUT dont le système automatique d’extension des jambes ainsi que
la crémaillère permettent de modifier la hauteur facilement. La
rotule est une MAJESTIC avec une platine large. Le corps avant est
fixé sur un Manfrotto 075, muni également d’une crémaillère et d’une
tête GITZO n°5.
Lors d’un tirage moyen ou important,
un tasseau monté librement sur un pied d’éclairage léger permet de
soutenir le soufflet. Le fait que celui-ci soit carré plutôt que
pyramidal autorise une certaine flèche sans qu’il empiète sur le
cône de lumière.
Le dépoli de 67x67 cm a été réalisé
sur du verre synthétique de 2 mm car plus léger et moins fragile que
le verre, avec de la poudre de carborundum 600. L’image est claire
et fine comme sur les dépolis de mes autres chambres. Il a cependant
l’inconvénient de se marquer facilement, mais les rayures qui
peuvent apparaître, bien qu’inesthétiques, ne gênent pas la mise au
point. J’ai dû le couper aux angles et évider une partie du cadre
support car lors des changements de tirage, le soufflet doit aspirer
ou expirer un volume d’air important.
Enfin, l’objectif monté sur une
planchette 30x30cm est un saphir boyer f :4.8 600mm qui a
l’avantage, outre sa luminosité, de couvrir le format 60x60 avec
assez de marge pour les mouvements et de ne pas être trop lourd ce
qui aurait risqué de déséquilibrer ou de solliciter trop fortement
l’attache du corps avant sur le pied en cas de bascule importante.
Je me suis amusé à comparer les
caractéristiques de la chambre avec celle de l'Ebony 20x24 :
12.3kg,74x74x12cm (avec le dépoli)
contre 22kg,73x73x20cm pour Ebony
Le châssis porte-plaque fait 6.2 kg
dernière mise à jour : mars 2013
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