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l'auteur

Guillaume Péronne
né en 1968
architecte
photographe d'architecture
 guillaume.peronne@free.fr

 

 

 

 

 

 

   

Point de vue :
Demain, la haute résolution
pour tous ?

par Guillaume Péronne

Les fabricants d'appareils photographiques proposent aujourd'hui des solutions qui ôteraient toute nécessité d'intervention ultérieure comme le fait de pouvoir brancher directement son appareil à une imprimante, actualisation d’un vieux slogan qui disait : « Appuyez sur le bouton, nous ferons le reste ! ».  Emportés dans le courant de la miniaturisation, les appareils numériques donnent des résolutions élevées dans des boîtiers dont on aurait eu peine à admettre la taille dix ans en arrière. L’appareil numérique amateur affiche à ce jour (avril 2007) dix millions de pixels tandis que des boîtiers professionnels se contentent de ces dix millions de pixels. La qualité la plus fine disponible pour le photographe professionnel se situe aux alentours de 40 millions de pixels pour de la photographie instantanée. On peut très bien imaginer voir prochainement apparaître des appareils amateurs atteignant ou dépassant cette résolution qui, rappelons-le, approche la qualité d’un très bon 4X5 pouces ! 

Les conditions seraient réunies pour que chacun puisse réaliser des tirages géants de haute résolution avec la facilité de l’appareil léger et la rapidité du traitement automatisé. L’idée est plutôt réjouissante, mais le professionnel pourrait voir d’un mauvais œil le fait que ce domaine autrefois réservé devienne si accessible. Accessibilité renforcée par le fait que toute la chaîne de traitement, jusqu’au tirage final, se greffe en toute simplicité sur les ordinateurs déjà présents dans une majorité de foyers. Sans compter l'atout d'une baisse constante des prix des matériels.

Manifestement, si l’on en reste au décompte de pixels, demain nous promet la haute résolution pour tous ! 

Au regard de cette accessibilité des moyens, est-il plus facile qu’à l’heure de l’argentique de réaliser des images qui soient au summum de la qualité ?

 

Le numérique ne bouleverse pas
les fondements de la photographie

 

Il n'y a pas de rupture. Le dispositif de captation du réel demeure le même. L'ordinateur introduit une ergonomie nouvelle pour agir sur les paramètres techniques de l'image photographique qui, eux, n'ont pas changé. Le photographe n'en est pas moins tenu de définir le projet qui motive la réalisation de ses images ! 

Pour le professionnel, c’est assez simple dans la mesure où le client définit le projet ; mais pour l’amateur - ou l’artiste - cette notion de projet est la valeur ajoutée des images : par la pensée investie dans la construction des photographies, il donne du sens à son action. Il ne s'en tient pas à déclencher un processus mécanique dont il s'exclurait, mais trouve dans la technique les moyens de donner forme à des idées. Une pensée toujours située en amont est la condition nécessaire pour celui qui désire construire ses images. 

Cette pensée investie a pour corollaire la mobilisation d'un temps pour faire : temps pour préparer et réaliser la prise de vue ; temps pour produire l'épreuve finale. Qui a connu les plaisirs de la chambre noire sait le temps que peut prendre le tirage parfait d'une seule image. Pour celui qui recherche la perfection, le traitement informatique n'offre aucun raccourci, seul le chemin diffère un peu. L'informatique permet d'aller plus en profondeur dans la structure même de l'image: on peut visualiser le plus petit élément, le pixel ; la richesse de couleur se donne à lire au travers des représentations mathématiques que sont les histogrammes… Autant de nouvelles possibilités pour améliorer encore nos images ! De même, la retouche ou la construction par montage, en apparence facilitées par l'usage de l'ordinateur, sont aussi extrêmement dévoreuses de temps : elles peuvent être certes rapides, grossières et très visibles, mais si on veut les garder discrètes, elles exigent minutie et, encore une fois, temps.

Si l'ergonomie diffère, le travail d'optimisation demeure plus que jamais nécessaire : encore du temps à investir !

 

La photographie numérique peut augmenter
sur certains points le niveau de difficulté 

Composition et mise au point sont plus délicates dans les formats réduits du numérique. A titre d'exemple, et pour une définition équivalente, on passe d'un dépoli donnant 10 par 12,5 cm de visée (le 4X5 pouces argentique) à une surface de 3,6 par 4,8 cm en moyen-format numérique. Le passage à un dépoli exigu impose d'accorder plus de temps et d'attention à parfaire une composition, et surtout gêne la bonne appréciation de la netteté. De plus, les focales relativement courtes utilisées en numérique sont bien moins tolérantes aux erreurs de placement du plan de netteté. Aux constructeurs de surmonter ce paradoxe qui veut que la miniaturisation exige de la précision et  induise de l'imprécision ; à eux de proposer les outils qui redonne au photographe la totale maîtrise de la netteté. Des systèmes d'assistance à la mise au point apparaissent, la visée peut être assistée par des dispositifs optiques ou relayée par l'écran d'un ordinateur, mais encore une fois, ces solutions ne sont pas des raccourcis !

Le photographe soucieux de la qualité et de la précision de ses compositions devra, même en numérique, investir du temps pour parfaire sa prise de vue. 

Autre point, la photographie numérique supprime l’étape du laboratoire et permet une intégration totale du procès de fabrication d’une image. Au photographe revient la charge de conserver tout au long de la chaîne la qualité de son image, ce qui le contraint à développer des compétences dans les deux métiers avec, de surcroît, les spécificités de la transposition de ces métiers dans une chaîne numérique : autant de connaissances nouvelles à acquérir !

 

En conclusion…

Pour le sens commun, le numérique représenterait une nouvelle victoire face au temps, un temps qu’on voudrait toujours réduire, une vitesse qu’on voudrait toujours plus grande, comme si ne comptait finalement que le but à atteindre, qu'il faille à tout prix dissoudre le chemin dans la vitesse. Or, si l’on additionne le temps nécessaire à acquérir des compétences nouvelles, le temps alloué à la pensée et le temps de fabrication, on se retrouve toujours devant le même dilemme : accorder le temps pour faire au mieux, ou sacrifier la qualité du travail pour faire plus vite. Si demain la haute-résolution devient la norme, la recherche de qualité restera pourtant, on le voit bien, une voie du labeur et de l'effort, et plus que jamais la pensée fera la différence.

 

 

dernière modification de cet article : 2007

 

 

 

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