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l'auteur
Merci à Georges Laloire
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Jean-Michel LELIGNY : 2°20'
Galerie-photo : 2°20'... qu'est-ce que c'est ? Jean-Michel Leligny : 2° 20’, plus exactement 2° 20’ 14, c’est la longitude du méridien de Paris. L’espace d’un été, je suis devenu photographe voyageur et cycliste, à la rencontre de ce que j’appelle la « France par le milieu », celle qu’on ne voit jamais sur les magazines, ou à la télé, loin des cartes postales et des clichés. Mon périple à bicyclette m’a mené de Dunkerque jusqu’au col de Pal à la frontière espagnole, le long de cette ligne imaginaire qu’est le méridien de Paris, devenu en l’an 2000, méridienne verte. Je suis ainsi parti en quête de paysages anodins et de rencontres, associant texte et photographies sous forme d'un constat. J’ai voulu mes photographies simples, sans recherche esthétique particulière, privilégiant la vérité de l’instant et des rencontres.
Etiez-vous seul ? Oui, c’était un choix délibéré au départ. J’avais envie de cela, de me confronter seul au voyage, de pouvoir aborder les gens peut-être plus facilement. En fait, à deux, le voyage aurait existé, mais aurait été différent. Je me sens plus disponible seul, plus en éveil… la solitude fait partie intégrante de ce travail. D’ailleurs, à part les portraits, les paysages, urbains ou non, sont pratiquement toujours déserts.
Pourquoi avoir fait ce voyage en vélo ? J’ai longtemps cherché le moyen de transport idéal, pesé le pour et le contre. A pied, cela m’aurait pris trop de temps, et j’aurais eu des difficultés à transporter mon matériel. J’ai pensé au VéloSoleX, mais j’aime bien le sport, et le vélo est la plus belle invention de l’homme, après l’appareil photo bien sûr. La lenteur et l’engagement physique m’ont fait aller vers les choses essentielles, tout du moins je l’espère. Cela a permis les rencontres, et a influencé ma façon de photographier. Je me suis toujours imposé de réaliser des images, même quand je ne me sentais pas du tout inspiré, ou quand j’étais fatigué physiquement. C’était la règle du jeu….
Avez-vous changé entre le début et la fin de ce voyage ? Je ne sais pas. Seuls les gens qui me connaissent peuvent le dire. Ce qui est sûr, c’est que ce voyage a été enrichissant et m’a réconcilié avec la photo.
Pourrait-on dire que vous seriez à la recherche d'une façon plus riche de vivre chaque moment qui passe... que vous cherchiez par l'acte créatif à enrichir chaque moment au monde, ou étiez-vous dès l'origine préoccupé par l'idée que ce travail soit publié ? La publication n’a jamais été ma préoccupation. Je suis parti sans aucun engagement pour rester libre dans mes choix, et profiter pleinement de ce voyage. Enrichir chaque moment du monde ? Je ne me suis jamais posé cette question. Je dirai plutôt que j’éprouve beaucoup de plaisir à donner une certaine image du monde, à attirer l’attention sur des « choses » tellement banales qu’on ne les voit plus. J’aime aussi que les photos aient un sens, une continuité, qu’elles s’inscrivent dans un travail, une réflexion, une globalité. Cela m’intéresse plus que la beauté d’une photo. C’est pour cela que j’apprécie le travail de photographes comme Depardon, Max Pam, Diane Arbus…. Il y en a beaucoup d’autres bien sûr.
Vous dites que la France n'est pas celle que les medias décrivent. Comment est-elle alors ? Les médias recherchent toujours l’extraordinaire, le sensationnel, les sentiments exacerbés. Nous autres photographes, nous sommes à l’affût de la belle lumière, du meilleur endroit, du cadrage qui met en valeur. Le but du photographe de presse est de pouvoir vendre sa photo. Il y a une sorte de falsification de la réalité, un bel emballage. Mais la vie quotidienne est beaucoup plus simple. Si j’osais, je dirais plus banale, mais certainement plus profonde. J’ai traversé une France dont on ne parle pas souvent, celle du monde rural. Des villages qui n’ont plus de commerces, pas même un bar ou une épicerie. Des villages où il n’y a aucun lieu pour se retrouver. Des agriculteurs m’ont fait part de leurs difficultés, des nombreux suicides de leurs collèges. On parle beaucoup de la misère en banlieue, beaucoup moins de celle qui mine le monde rural. Mais il n’y a pas que des choses négatives. J’ai vu des gens s’organiser pour faire vivre leur village, maintenir des lieux de rencontre. J’ai commencé par Dunkerque, il faut le dire, un peu dévasté par la crise. Et j’ai terminé par un petit village des Pyrénées, qui avait été déserté après guerre, qui a été rebâti, et revit grâce à la volonté farouche de quelques individus. Tout un symbole.
Avez-vous pensé à Depardon ? Pour ce qui est de Depardon, évidemment que son travail est une référence pour moi. New York, La ferme du Garet, Errance, son regard sur la France... Curieusement, l'idée de mon périple est antérieure à son récent travail, et cela a pour moi été une vraie contrainte de l'avoir vu, car il fallait que j'arrive à m'en soustraire. Mais clairement, cela a sans doute influencé certaines de mes images, et aussi le choix des sujets. Mais ce n’est pas le seul dont j’ai senti l’influence. J’ai aussi, par exemple, souvent croisé des châteaux d’eau. J’ai ainsi pu comprendre la fascination de Bernd et Hilla Becher. J’en ai photographié quelques-uns, mais je me suis retenu !
Avez-vous cherché un financement ? Pour garder une totale liberté, je n'ai pas cherché de financement. Je trouve que la précarité de mon voyage allait très bien avec l'idée que je me fais de ce travail photo. J'ai pris la pluie, eu froid, transpiré toute l'eau de mon corps sous la canicule. Mon corps a ressenti avant que l'œil n'enregistre, et je crois que c'est important, car nous vivons dans une société qui nous surprotège, et nous ne connaissons plus la réalité de la nature. L'hiver nous avons le chauffage, l'été la climatisation.... Chaque jour pendant, 4 semaines, j'ai avancé sur mon vélo, dormant le soir dans des campings, des stades, au bord de l'eau et quelques rares fois à l'hôtel. Cette précarité permet de vivre intensément le voyage, d'être totalement disponible et réceptif, et surtout, le regard toujours en éveil.
Outre les photographies, avez-vous écrit pendant votre voyage ? J'ai un carnet de note entier rédigé durant ce voyage, que ce soit sur mon idée de la photographie, ou certaines des photos. D'ailleurs, si j'essaie d'en faire un livre, un texte accompagnera chaque photo, sans doute écrit à la main sous chaque image (si j'ai une référence, c'est Max Pam). Car chaque image a une histoire, une raison d'exister, pas uniquement le fait d'être une image agréable à regarder ; elle a une signification propre, ou est l'occasion d'une anecdote.
Quel matériel utilisez-vous ? Pour ce voyage, j’ai utilis��������������������������������������������������� un Mamiya 7 avec un 43 et un 80 mm, qui est léger et constitue un excellent appareil pour voyager. J’étais peu familiarisé avec ce boîtier. d’où quelques petits problèmes : la visée télémétrique à laquelle je ne suis pas habitué, ce qui m’a valu de laisser quelques fois le capuchon sur l’objectif, et la cellule qui sort de sa zone de fonctionnement en basses lumières, d’où des photos inexploitables à la tombée de la nuit. Pour le film, j’ai utilisé de l’Ektar 100 qui présente une excellente définition, un bon contraste, et une bonne latitude de pose. Les images se travaillent très bien une fois scannées. J’avais juste oublié les défauts des optiques anciennes, vignettage, aberrations chromatiques, qui sont désormais corrigées en numérique. Cela ajoute une dimension humaine et artisanale qui n’est pas pour me déplaire. Le conseiller ? Chaque appareil a ses défauts et ses qualités. Le Mamiya 7 est le moyen format le plus discret. Et c’est la plus grande de ses qualités, surtout quand on voyage en vélo !
Allez-vous publier ce travail ? Je l’espère, car pour exister, un travail comme celui-ci doit pouvoir être vu dans son ensemble. Je suis donc à la recherche d’un éditeur, mais aussi de lieux pour exposer. Ce serait sympa de pouvoir organiser une expo qui circule le long de cette méridienne, dans des lieux que j’ai traversés. Toute proposition sera la bienvenue.
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dernière modification de cet article : 2011
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