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l'auteur

Marie Jo Masse



www.foirephoto-bievre.com

Responsable de la Foire de Bièvres
Photo Club de Paris-Val de Bièvre
28ter rue Gassendi
75014 Paris
01 43 22 11 72
06 43 35 26 30

 

 

 

Autour de la Foire à la photo de Bièvres :
une interview de Marie Jo Masse

 

 

D’où vient votre intérêt pour la photographie ?

La photographie m'accompagne depuis ma plus tendre enfance, quand les jours de pluie nous regardions les plaques stéréo de mon grand-père à l'aide d'un Taxiphote, qui est maintenant dans mon salon. L'autre caverne d'Ali Baba était le secrétaire de ma mère et les albums que nous feuilletions des heures durant. Ensuite, je me souviens d'avoir fait des photos à la campagne, mais j'ai oublié d'où venait l'appareil. Vers l'âge de 15 ans, j'ai commencé à prendre les choses plus au sérieux en achetant un appareil et en me plongeant dans la lecture des opus de Paul Montel que j'ai eu la chance de rencontrer à la Foire de Bièvres quelque 40 ans plus tard. En 1965, j'ai craqué et je me suis offert un rêve sous la forme d'un Nikon F que j'ai toujours, et qui n'a été suivi que de 4 boîtiers.

Je faisais des photos de mon entourage et aussi un peu de paysage. J’étais fière parce que les parents de mes amies avaient encadré les portraits que j’avais faits d’elles. En 69, j’ai fait la découverte de la proxy-photo, en photographiant une écorce d'eucalyptus que tout le monde voyait chaque jour, mais dont personne n'avait perçu la beauté. À notre retour de vacances, j'avoue avoir apprécié le moment où, quand j'ai montré cette photo à la maisonnée, tout le monde a demandé : "qu'est-ce que c'est ? ". Pour moi cette photo est emblématique, primeur d'une démarche qui continue.

Est-ce ce qui m'a poussée à devenir chercheur au CNRS en biologie ou l'inverse ? Dans tous les cas, la photo-microscopie m'a accompagnée tout au long de ma carrière et c'est aussi dans ce cadre que j'ai découvert les logiciels de traitement d'image. Cela m'a également permis  de passer 5 ans en Californie à Los Angeles pour ma thèse (70-75), où j’ai suivi de vagues cours de photographie et touché au développement noir et blanc. Après quelques années passées en France, je suis retournée en Californie à Stanford (90-92). J'en ai profité pour suivre un cursus photo dans un collège et participer à des voyages photos encadrés par des professionnels. C'est de là que j'ai pris le virus du "voyager pour photographier et non photographier parce que l'on voyage". C'est aussi comme cela que j'ai compris qu'en groupe et en partageant les expériences, on s'enrichissait à tous points de vue. Partir seule avec mon appareil photo ou avec un groupe de mordus, sont les meilleures vacances possibles.

Logiquement, en rentrant des Etats-Unis, j'ai cherché à m'insérer dans un club photo et c'est ainsi qu'en 1992, j'ai rejoint le photo club du Val de Bièvre. J’étais sous l’agrandisseur à l'Institut Pasteur, en train de mettre en forme des illustrations pour un article scientifique et je parlais avec le directeur du département photo de ma passion pour la photo. Il m'a alors suggéré de contacter le photo-club du Val de Bièvre. Il y avait alors quelque 90% d’hommes faisant de la photo noir et blanc, et je suis arrivée femme… et faisant de la couleur !

À l’époque, c’était déjà un photo-club connu, grâce à Jean Fage, son fondateur et des personnes comme Jean-Louis Michel ou Edith Gérin, entre autres, qui avaient un sacré œil et qui faisaient une formidable critique photographique. Le club avait été champion de France à plusieurs reprises mais ne participait plus aux concours quand j'y suis entrée.

J'ai participé à ma première Foire à la photo en 1993. À l’époque, les stands mesuraient 2 m sur 2 m. J'y suis allée avec ma collection de photos de l'ouest américain montées sous marie-louises 40x50 et présentées dans de grandes boîtes d'archives. Cela détonnait un peu. Réponses Photo m’a remarquée. Et a publié mes photos du Golden Gate bridge (des détails bien sûr !) dans le cadre d'un "Regard sur". L'article est sorti au moment où je faisais une exposition à côté de Grasse. Du coup, j’ai bien vendu, pas à Bièvres mais à Grasse. J’aime les expositions car on y est entouré de ses photos et on échange avec les autres autour de ses photos. Ma tante et marraine était peintre et galeriste ce qui m'a m'influencée et guidée. Depuis une quinzaine d’années, je m’occupe de la galerie du club.

Membre du conseil d'administration du club depuis 1993, j'en suis devenue présidente en juillet 2006 et le suis restée jusqu'à la fin 2012.  Le club est exceptionnel dans la mesure où il offre à ses 220 membres des activités quotidiennes et même plus : cours, critiques, séances de club, sorties photographiques, studio, labo argentique, etc. Ce qui en fait un club très dynamique et ouvert. Le succès du club ne se dément pas. Nous avons dû refuser 100 personnes l’année dernière. Nous recrutons environ 50 personnes, de tous les niveaux, chaque année. Les locaux sont simplement trop petits pour faire plus. Je suis toujours au conseil d'administration du club et suis responsable de la Foire où cela fait 10 ans que j'y joue un rôle actif. Le regret c'est que cela m'empêche d'y prendre un stand, mais je ne désespère pas !

 


Remise des prix au cours de la foire. A gauche Marie Jo Masse,
à l'arrière-plan Jean-Pierre Evrard.

 

 

Quelles sont vos références en photographie ?

Les coloristes : Ernst Haas, Saul Leiter, Harry Gruyaert. Edward Weston, évidemment, parce que j’ai commencé avec la photo américaine et pour la proxi-photo

 

Quelle définition pouvez-vous donner de la foire ?

Unique.

Unique comme le club, qui est privé et dont la moitié des recettes provient de la Foire. Elle a été créée par le visionnaire qu'était Jean Fage, fondateur du club en 1949 et de la Foire en 1964, en même temps que le Musée Français de la Photographie Unique parce qu’elle est une galerie de plein air. L’origine de la Foire ce sont les artistes. Les occasions ne sont venues que 10 ans plus tard.

Unique parce que c’est un marché de l’occasion avec 250 exposants venant de toute l’Europe, beaucoup d’Allemands, d'Anglais… cet aspect est organisé par une personne rémunérée pour cela. C’est une des 3 grandes foires d’Europe, la seule en plein air, la seule qui combine tous ces éléments : occasions / antiquité (des pièces rares) / tirages, livres, artistes et conférences. La foire de l’occasion a lieu le samedi après-midi et le dimanche ; la foire pour les artistes a lieu le dimanche.

 

L’arrivée du numérique a-t-elle changé la donne ?

Cela nous a fait assez peur, au point que nous avons initié des réunions de prospective avec des professionnels du marketing proches du club.

On a créé les Rencontres de Bièvres, une série de conférences qui, au début, traitaient surtout de l’art d’utiliser les logiciels (Adobe, Dxo etc.). Depuis 2-3 ans, nous en avons élargi le champ, en incluant des thématiques sur l'aspect artistique ou sociétal de la photo. Par exemple, cette année il y aura une conférence autour de "Nadar et Hugo": deux célébrités bièvroises et photographes de renom.

On voit que les appareils numériques haut-de-gamme se revendent bien, pas les « petits » appareils numériques. Les optiques pour numériques et argentiques, les chambres se vendent bien.

Globalement la fréquentation de la foire n’est plus celle des années 70-80, mais elle a amorcé une remontée au début de la décennie et elle semble stabilisée. Malgré la crise, nous n'avons pas observé de variations de notre chiffre d'affaire. Ce qui est une satisfaction.

 

Vos rapports avec la mairie ?

Comme je viens de le dire, le photo-club est le créateur, au travers de la personne de Jean Fage, du Musée. Il a été inauguré en même temps que la Foire en juin 1964. Le maire de Bièvres, veut mettre la photo en exergue dans sa ville, ayant conscience que c'est grâce à elle que sa commune a une stature internationale. Il investit dans la foire, faisant venir des animations musicales et des expositions. Le musée pourrait bien aussi rester à Bièvres, alors que son transfert avait été décidé à un moment parce qu’il est dans un local trop petit. Le musée actuel est en effet très exigu et sur un terrain difficile mais le transfert au loin aurait probablement été une erreur. Je crois beaucoup dans la synergie et je suis convaincue que club, Foire et Musée ont tout à gagner à rester fortement liés et la commune aussi ! Le club va créer une antenne à Bièvres. Je rappelle que le club est actuellement sur Paris dans un local dont il est propriétaire. Il avait été créé à Bièvres par Jean Fage et en était parti suite à de multiples péripéties. Le siège social du club est toujours à la mairie de Bièvres.

 

Quel est votre rôle personnel sur la Foire ?

Je suis mandatée par le conseil d'administration du club pour l'organisation de la foire et en suis donc la responsable de facto. En plus, je m’occupe directement du marché des artistes avec l’aide de la secrétaire du club : recrutement, attribution des stands, constitution du jury, remise des prix (prix Jean et André Fage, quatre mentions, dont, éventuellement, un prix du Jeune Photographe) et de la préparation de l’inauguration officielle de la foire en présence des édiles et de la reine des fraises. Je m’occupe de la communication avec la mairie, les membres du club, les autres fédérations et clubs. Je rédige des articles dans les publications du club, au niveau de la fédé et supervise la communication en général. Nous avons engagé une attachée de presse professionnelle il y a deux ans.

 

A votre avis, pourquoi cette foire est-elle devenu la première de France ?

Probablement parce qu’à l’époque, en 1964, elle était la première. Elle a été imitée, comme aujourd’hui notre marché des artistes est imité. Man Ray a été un des premiers exposants de notre Foire ! Les Fage étaient extrêmement dynamiques et ont su attirer énormément de monde. La qualité et le côté bucolique et convivial ont fait le reste… même si le temps nous joue parfois (rarement) de mauvais tours ! C’est une vraie fête de la photo !

 

Quel temps de travail cette foire vous demande-t-elle sur l’année ?

Aucune idée. Quand on n’aime on ne compte pas et il y a plus organisé que moi. On commence en fait dès septembre, avec les visuels pour les salons. Aujourd’hui, en mai, je commence à m’occuper de celle des 50 ans, l’année prochaine. C’est difficile à quantifier, mais de toute façon c’est beaucoup de courrier et, peut-être, 2-3 mois de travail à plein temps sur l’année avec un coup de feu de mars à juin. Le plus dur est de trouver du temps, au milieu de mes autres occupations, pour mettre en œuvre des nouveautés.

 

Qu’est-ce qui est le plus pénible dans une telle organisation, ce qui vous ennuie le plus ?

L’administration. Cela m’a toujours ennuyée. Ce que j’aime : les idées et les projets, renouveler les choses, organiser des aspects neufs, pas d’écrire la lettre à la préfecture pour la vente au déballage…

 

Peut-on faire un portrait-type du visiteur de la foire ?

Il y a plusieurs types :
- le collectionneur/chineur, qui est à la recherche du matériel, du tirage, du livre, de la pièce qui manque à sa collection, qui achète et revend. Ceux-là piétinent dès le samedi 14h pour être sûrs d'être les premiers sur les bonnes affaires, comme dans toute brocante!
- Le photographe qui travaille en argentique et qui vient pour du matériel argentique, papiers périmés, par exemple.
- Le photographe qui aime être dans le milieu photo, voir et discuter photo avec les vendeurs et les artistes ou à l'une des nombreuses terrasses de café et profiter des animations.
- L’amateur ou le pro qui vient acheter un accessoire photo qui lui manque.
- Le promeneur du dimanche qui s'offre gratuitement une très jolie promenade chez les artistes. Il peut en plus se "faire tirer le portrait" gratuitement au "studio éphémère" créé par notre club, il y a trois ans.
La Foire présente aujourd’hui aussi des animations musicales, qui ouvrent un peu plus la fête. On ne veut pas non plus que cela la dénature trop de son cœur d'activité, qui est et doit rester la photo, donc cela commence plutôt vers la fin de la Foire. On essaie de lier la musique à des thématiques d’expositions, par exemple cette année, le Brésil.

 

Y a-t-il des nouveautés cette année ?

On a de nouveaux locaux (et une salle de plus encore l’année prochaine). Donc 4 nouvelles expositions de photographes professionnels, grâce à la participation du Conseil Général. On a renoué avec les ventes aux enchères et deux photographes de renom feront de la lecture de portfolios.

 

Comment voyez-vous l’avenir de la foire ?

IIl faut 3 ingrédients pour qu'une foire se maintienne
- Du bon matériel ce qui amène de bons clients et attire plus de bons forains. C'est un cercle vertueux et il est de notre devoir de faire en sorte que celui-ci perdure et de faire accroître la notoriété et développer l’image de la foire. D'où le recrutement d'une attachée de presse.
Le côté artistique ne rapporte rien. Cependant, la démarche est de valoriser au maximum les prix pour les artistes, de façon à attirer des artistes de plus en plus pointus, ce qui valorise la notoriété de la Foire. C'est un deuxième cercle vertueux. Le moteur de la Foire est, malgré tout, le marché de l'occasion et des antiquités. Ce tandem, qui fait l'originalité de la Foire, doit rester solide. Le plus important est que la Foire continue à évoluer, car tout ce qui est immobile meurt !

 

Dernière mise à jour : mai 2013

 

 

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