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l'auteur

Marc Genevrier 
Ingénieur de formation
puis traducteur technique,
aujourd'hui luthier à Nîmes.
Passionné de grand format
et familier du numérique
www.violon-et-luth.fr

 

 

 

 

 

La haute résolution : 
quel format pour quel agrandissement ?

Cet article a été réalisé à partir de l'intervention 
de Marc Genevrier 
au 1er congrès de la photographie haute résolution 
(Ecole des Beaux-Arts de Nîmes - 4 et 5 juin 2004)

Pourquoi la haute résolution ?

Il suffit de visiter une boutique d’arts graphiques de n’importe quelle ville de province pour trouver des toiles sur châssis de toutes les dimensions, à destination des artistes peintres, y compris dans des tailles qui paraîtraient démesurées à de nombreux photographes. Le peintre a en effet pour habitude de choisir dès le départ les dimensions de son œuvre en fonction de l’effet recherché. Il faut dire qu’il n’est pas tenu d’adapter sa technique aux dimensions de son ouvrage, rien (sauf peut-être son courage ou le temps disponible) ne l’empêchant de réaliser une fresque monumentale avec la même précision de détail qu’une miniature de quelques centimètres.

Le photographe ne bénéfice pas de la même facilité, puisque la technique par agrandissement entraîne des pertes de qualité incontournables. Le grain du négatif apparaît, trahit du même coup le procédé qui a fait naître l’image et renvoie immédiatement l’objet présenté au simple statut de copie d’un original non montrable, réservé à la table lumineuse de son auteur et qui n’existerait finalement « qu’ailleurs ». Dès lors, ce grain oblige l’observateur à examiner l’image de loin, le privant du plaisir de la double lecture, au contraire des visiteurs des musées qui aiment se rapprocher d’un tableau, reculer de quelques pas, puis revenir de nouveau très près, comme pour mieux appréhender les différents niveaux d’existence (et de lecture) de l’objet qui s’affiche devant eux.

L’objectif de la photographie haute résolution est de s’affranchir de ce grain, de repousser les limites des techniques d’agrandissement afin de proposer des images observables de très près tout en conservant une impression de netteté parfaite. En oblitérant l’effet du grain, on fera du même coup oublier le procédé et on confèrera à l’image une autonomie nouvelle, libérée du spectre d’un original aux qualités intrinsèquement supérieures. Au lieu du grain, on pourra travailler la matière même du tirage pour, là encore, faire de l’image un objet à part entière. Enfin, s’il est vrai que toute photographie montre une part du réel, ce réel acquerra une crédibilité accrue, le mimétisme sera plus fort. Notons que ce dernier avantage peut se mettre au service de toutes les photographies, que l’auteur ambitionne simplement de montrer le monde réel, ou plutôt de le représenter, l’illustrer, voir même de créer ou recréer le monde.

Concrètement, notre objectif est de déterminer ici le format de prise de vue qui permettra d’agrandir une image photographique à une taille donnée tout en permettant la double lecture. Il convient donc de définir d’abord ce qu’on entend par haute résolution, puis de comprendre de quoi résulte la résolution finale du tirage.

1. Comment quantifier la résolution ?

Le modèle le plus simple consiste à chiffrer la capacité d’un système à restituer une alternance de traits noirs sur fond blanc. Il suffit pour cela de dessiner des traits de plus en plus fins (on appelle cela des mires) et de regarder ce qui reste de ce motif initial à travers un objectif ou sur un film photographique.

Pour obtenir une valeur chiffrée, on compte simplement le nombre de lignes noires encore reproduites par le système étudié. On parle en général de « paires de lignes par millimètre », en associant une ligne blanche à une ligne noire.

Il suffit de se reculer de l’écran pour constater ce que nous savons tous : on voit mieux les détails de près. Le carré de droite va rapidement se transformer – pour l’œil – en un simple bloc de couleur grise. Cette petite expérience met donc en évidence deux choses : premièrement la façon dont un système optique, l’œil compris, n’est plus capable de transmettre l’information au-delà d’une certaine finesse ; deuxièmement, que ce seuil (nous reviendrons plus loin sur cette notion) ne dépend pas seulement de la finesse de la mire, mais aussi de la distance à laquelle on l’observe.

Dans la réalité, l’expérience des traits noirs sur fond blanc peut tout au plus décrire ce qui se passe quand on photographie les branches dénudées d’un arbre en plein hiver devant un ciel très blanc. Mais si l’on s’intéresse maintenant aux brins d’herbes du pré au pied de l’arbre, le modèle à adopter serait plutôt le suivant :

Et pour passer à la couleur, tout le monde a déjà vu les dessins utilisés par les ophtalmologistes pour déceler les défauts de perception des couleurs. Mais même si l’on a une bonne vue, cet autre exemple montre à nouveau combien le contraste du sujet (ici le contraste de couleur) influence notre capacité à en percevoir les détails. Les émulsions photographiques ne se comportent pas très différemment.

       


Critère de la haute résolution :   

Par expérience, on sait que le pouvoir séparateur de l’œil humain vaut en moyenne 
5 pl/mm à une distance d’observation de 25 cm
Une simple règle de trois permet de déterminer la valeur pour une distance d’observation supérieure 
(par exemple 2,5 pl/mm à 50 cm, etc.)

2. Quels éléments déterminent la résolution d’une photographie à la prise de vue ?

Nous nous en tenons ici aux grandeurs qui ne dépendent pas du photographe. On pourrait citer bien sûr la précision de mise au point, la planéité du film, les vibrations (solidité du pied, vent), mais un minimum de soin permet en principe d’en minimiser l’effet. Nous ne retenons donc que les principaux paramètres imposés par la conception et la construction même du système photographique :

  • La qualité de l’objectif

  • Le phénomène de diffraction (dépend du diaphragme)

  • Les caractéristiques du film ou du capteur

Chaque élément agit successivement pour dégrader la résolution de la chaîne. On peut simuler cette dégradation en appliquant un filtre flou avec un logiciel :

La première constatation est évidemment que la mire de droite est devenue illisible, tandis que les deux autres conservent encore une information pertinente. Mais notons tout de suite, également, que cette information a également été dégradée, puisque les bords des lignes – la transition avec le blanc – ne sont plus aussi nets. Si l’on renouvelait l’expérience sur cette mire « floutée » afin de simuler l’effet de l’élément suivant, la mire centrale pourrait bien perdre elle aussi toute lisibilité, surtout si on recule un peu de son écran. Il n’y a donc pas un seuil « tout ou rien » : jusqu’à tel niveau de détail aucune dégradation, puis tout est perdu ; non, tout est progressivement estompé, mais l’effet est plus catastrophique sur les détails les plus fins.

3. …et au tirage ?

Les équipements utilisés au tirage présentent eux aussi leurs défauts et leurs limitations. Ce sont principalement l’objectif et la mécanique de l’agrandisseur ou du scanner, et les phénomènes sont identiques à ce qui se passe à la prise de vue.

Notons cependant un avantage considérable de la prise de vue numérique directe : l’étape d’agrandissement est un simple redimensionnement et n’induit aucune perte supplémentaire.

4. Comment déterminer la résolution ?

On trouvera une description détaillée de la méthodologie employée dans l’article d’André mouton « La haute résolution en photographie argentique » sur ce même site. Nous n’en reprenons ici que les principaux résultats, en insistant sur le fait que ce qui nous intéresse, ce n’est pas tant de déterminer le summum réalisable avec un système d’exception, mais plutôt ce qu’on est en droit d’attendre de tel ou tel format de prise de vue, en somme ce qu’on est presque sûr d’atteindre avec un minimum de soin dans une situation courante.

a. L’objectif

On détermine son pouvoir séparateur en photographiant des mires ou au moyen d’un banc d’essai optique en laboratoire, pour des mesures plus complètes en fonction du contraste sujet. Les fabricants publient également des courbes FTM qui constituent une description plus rigoureuse de la résolution des optiques ; ces courbes sont souvent calculées à partir de la formule optique, plus rarement mesurées.

Valeurs couramment admises :

  • Petit format : 120  pl/mm au centre

  • Moyen format : 80-90 pl/mm

  • Grand format : 50-60 pl/mm

b. Le support photosensible

Pour les films comme pour les capteurs, on peut photographier des mires ou se baser sur les données par le fabricant dans le cas des films. Celles-ci distinguent en fonction du contraste du sujet :

  • Contraste sujet faible : 50-65 pl/mm

  • Contraste sujet fort : 150 pl/mm

Pour les capteurs numériques, nous partons du principe simplifié selon lequel il faut deux rangées de pixels (une noire et une blanche) pour résoudre une paire de lignes.

c. Résolution du système

Nous renvoyons là encore à l’article d’André Mouton pour une méthode de calcul possible. L’article utilise une formule empirique simplifiée qui rend assez bien compte cependant de ce qui se passe dans la réalité.

On peut noter deux points importants  

  • Le premier est assez évident : La résolution globale ne sera jamais meilleure que celle du plus faible élément. 

  • Le deuxième est souvent source d’erreurs ou d’incompréhensions : si l’on a deux éléments de même pouvoir séparateur, la résultante des deux est inférieure à cette valeur commune.

Un objectif à 60 pl/mm et un film à 60 pl/mm ne donnent pas une image à 60 pl/mm, mais plutôt à 40-45 pl/mm.

Pour le comprendre, on peut utiliser une analogie avec un tamis à mailles régulières. Les grains ne passent le tamis que si leur taille est inférieure à la maille. Mais si l’on superpose de manière aléatoire deux tamis identiques, les mailles ne coïncident pas forcément et la taille maximale des grains pouvant passer est plus faible. On perd donc de la matière (nous dirons ici « de l’information ») par rapport au passage dans un seul tamis.

d. Difficultés de la quantification

Plusieurs paramètres sont difficilement maîtrisables ou mal connus et compliquent la tâche de calcul :

  • Le contraste du sujet – de sorte que les résolutions calculées dépendront tout naturellement des conditions de prise de vue

  • L’homogénéité de l’objectif sur toute la surface de l’image ; meilleur au centre, moins bon sur les bords

  • Le diaphragme utilisé, qui influence le pouvoir séparateur de l’objectif, mais peut aussi provoquer le phénomène de diffraction

  • L’estimation de la résolution globale à partir de celles des éléments pris séparément.

e. La diffraction

La diffraction est un phénomène physique incontournable dont presque tout le monde a déjà fait l’expérience. En ville, il suffit de regarder le soir par sa fenêtre à travers des voilages très fins : le lampadaire lointain n’apparaît plus comme une tache lumineuse ponctuelle, mais comme une succession de taches partant en étoile en suivant la trame du voilage.

L’approche de la diffraction présente un grand intérêt en ce qu’elle fournit une limite haute, valable dans toutes les conditions. Elle dicte en effet la résolution maximale physiquement réalisable pour un diaphragme donné. En pratique, elle ne commence à se faire sentir qu’à partir de f/22 et au-delà.

La diffraction dépendant également de la longueur d’onde de la lumière (sa couleur), il est cependant difficile d’avancer une valeur précise. Nous donnons ci-dessous des valeurs approchées qui ont l’avantage de reprendre la succession des diaphragmes en sens inverse. Il suffit de se souvenir d’une et ce truc mnémotechnique permet de se souvenir rapidement des autres au moment de déclencher.

Diaphragme

Limite de diffraction
(pl/mm)

Agrandissement
maxi
16 90 18x
22 64 13x
32 45 9x
45 32 6x
64 22 4x

Chaque limite de résolution a été convertie en facteur d’agrandissement maxi par division par 5 pl/mm (pour une observation à 25 cm).

5. Agrandissement d’une image argentique

Nous ne présentons ici que des ordres de grandeur des tailles de tirage réalisables, valeurs obtenues par recoupement des différentes approches précédentes. Rappelons que ces valeurs s’appliquent pour une observation à 25 cm. Si l’on accepte que l’image ne soit regardée qu’à 50 cm de distance, les dimensions indiquées doivent être doublées.

Format de prise de vue

Tirage maxi

24 x 36

28 x 42 cm

Moyen format 6x6

50 x 50 cm

Moyen format 6x9

50 x 75 cm

Grand format 4"x5"

60 x 75 cm

Grand format 20x25

80 x 100 cm

Remarques 

Le petit format est limité plutôt par le film que par l’objectif. Le grand format au contraire est plutôt limité par ses optiques, obligées de « couvrir » un format de plus en plus grand. C’est ce qui explique que la taille de tirage maxi n’augmente pas proportionnellement au format.

6. Agrandissement d’une image numérique

Résoudre 5 pl/mm demande 10 pixels/mm sur le tirage (papier). Cela correspond à une résolution d’impression de 254 points par pouce, ce qui coïncide approximativement avec ce que peuvent sortir les meilleures imprimantes actuelles.

À cette résolution d’impression, si l’on considère que tous les pixels de l’image sont des pixels utiles et pertinents, le calcul de la taille maximale à partir du nombre de pixels est très simple :

Une image de 2000 x 3000 pixels (6 MPix)

pourra être agrandie à 20 x 30 cm.

 

Résolution capteur

Tirage maxi

6 MPix
(numérique grand public)

20 x 30 cm

12 MPix
(reflex numérique pro)

30 x 40 cm

22 MPix
(moyen format numérique pro)

40 x 55 cm

80 MPix
(dos numérique pro à balayage)

80 x 100 cm

(là encore, pour une observation à 25 cm)

7. Équivalents mégapixels

Il est évidemment très difficile de comparer les systèmes argentiques et numériques. En reprenant à l’envers la règle de calcul pour le numérique, on peut cependant compléter le tableau présenté pour l’argentique afin d’estimer la quantité d’informations contenue sur un original des divers formats, quantité exprimée ici en mégapixels.

Format de prise de vue

Mégapixels équivalents

24 x 36

8-12 MPix

Moyen format 6x6

20-25 MPix

Moyen format 6x9

25-30 MPix

Grand format 4"x5"

40-50 MPix

Grand format 20x25

65-90 MPix

On remarque ici que la quantité d’informations présente sur le film est doublée quand on double la longueur du format : elle n’est pas proportionnelle à la surface.

Mise en garde

Une image de 60 x 75 cm contient 45 Mpix (6 x 7,5). Une image de 70 x 87,5 (même rapport hauteur/largeur) dépasse légèrement 60 MPix, soit un tiers de plus que la précédente. Pour autant, il n’est pas certain que l’effet obtenu (par exemple dans une exposition) sera très différent. Il faut donc se méfier de ces valeurs en mégapixels, qui ont tendance à gonfler un peu les différences. Ceci explique également que nous proposions des plages de valeurs assez larges dans notre tableau.

8. Quel matériel pour quelle taille ?

Les résultats ci-dessus peuvent se résumer de la façon suivante pour répondre à la question de départ : 
quel matériel dois-je utiliser pour faire une image de telle dimension satisfaisant au critère de résolution pour une observation à 25 cm ?

Tirage jusqu’à 50 cm :

Moyen format argentique, ou Numérique 22 MPix

Tirage jusqu’à 60-70 cm :

Grand format argentique 4x5, ou Dos numérique à balayage

Au-delà de 80 cm :

Grand format argentique 20x25, ou Dos numérique à balayage

 

dernière modification de cet article : 2004

 

 

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