Hyperphotos
Texte d'une conférence donnée en Arles
en juillet 2006
par Jean-François RAUZIER
"Bonjour et tout d'abord merci d'être venu. Je vais vous présenter
mon travail, comment j'en suis arrivé là, et je vais vous montrer un
exemple concret du processus d'élaboration d'une hyperphoto.
Hyperphotos
J'ai appelé ainsi ces images non pas pour leur gigantisme (elles
atteignent maintenant les 2 milliards de pixels et pèsent jusqu'à 30 Go)
mais par référence à l'hyperréalisme.
Hyperréalisme
Ce mot m'est venu naturellement sans que je cherche à en faire
l'analyse. Cette conférence m'a donné l'occasion de me pencher sur ce
qu'est l'hyperréalisme, et j'ai été troublé. Je ne réalisais pas à quel
point ce courant de peinture m'avait influencé. Toutes les définitions
que je lui ai trouvé s'appliquent parfaitement à mon travail.
Je cite en résumant :
- L'hyperréalisme a pu être vu comme une reproduction froide et
mécanique du réel par des virtuoses laborieux, illusionnistes, qui font
confondre au spectateur photographie et peinture.
- C'est trop réducteur : la lente et laborieuse élaboration du tableau,
l'effort humain que cela représente donne une vision intensifiée et
densifiée d'un sujet le plus souvent volontairement banal. Il y a une
folie fascinante et effrayante qui se dégage de ce travail.
- L'hyperréalisme a facilité une fertilisation croisée entre la photo et
la peinture. Le peintre hyperréaliste est d'abord un photographe, la
photo est au cœur de son processus.
- Je suis un photographe mais aussi un peintre numérique, la retouche,
le montage et la synthèse d'images étant au cœur de mon processus.
Un mot sur le sharp focus
J'en profite pour faire une petite parenthèse : une des
caractéristiques majeures du courant hyperréaliste est la représentation
en gros plan d'un détail : en séparant le sujet de son contexte et en
l'agrandissant, on lui confère une nouvelle identité. L'objet familier
devient un microcosme. Dans le courant hyperréaliste, cela s'appelle le
sharp focus. Ce n'est pas le sujet des hyperphotos mais c'est la
définition exacte du travail photographique que j'ai fait il y a dix
ans. (Voir le "Corps d'une ville" sur le site
www.jfrauzier.com :
les agrandissements de murs et de trottoirs parisiens). L'extraction
possible de gros plans d'une hyperphoto reste un fil conducteur. On peut
aussi dire que dans les hyperphotos, j’ai inversé le procédé : en
traitant un panorama à 180° comme je vous le décrirai, en éliminant
toutes distorsions optiques qui pourraient faire comprendre qu’il s’agit
d’une photo réalisée avec un grand angle ou un appareil panoramique, je
donne souvent l’illusion qu’il s’agit d’une prise de vue classique d’un
paysage réalisée avec un objectif de focale moyenne. C’est un changement
d’échelle comme le sharp focus, mais inversé.
Distorsion imperceptible de la réalité
Devant une œuvre hyperréaliste, nous ne sommes pas devant un trompe
l'œil, on sait qu'on est devant une image, l'échelle est
disproportionnée, par exemple. Dans mes hyperphotos, je distords aussi
imperceptiblement la réalité, et on sait ainsi que l'on n'est pas devant
un vrai paysage mais devant l'expression onirique de mon inconscient,
devant un rêve, un mirage. L'image photographique a valeur de preuve, la
fiction s'appuie sur une réalité qui a toute l'apparence du vrai. La
frontière entre l'illusion et la réalité est floue, j'aime m'y promener
et la traverser.
Comment suis-je arrivé à faire ces hyperphotos ? Comme je vous le
disais précédemment, après avoir collectionné des photos urbaines
plusieurs années, des gros plans dans l'asphalte et le béton, comme une
sorte d'archéologie intime, j'ai éprouvé le besoin de prendre l'air, de
changer totalement d'échelle, J'avais besoin de grands espaces, je suis
donc parti en quête de champs infinis, de cieux propices à l'envol. J’ai
alors commencé à faire des panoramas.
Comment faire les grands panoramas ?
Nous avons tous été fascinés par le pouvoir que procure l'appareil
photo : voir plus.
1. en figeant le temps. Le temps arrêté, on a tout le temps
après coup d'examiner le cliché et découvrir une foule de détails que
l'on n'a pas vu sur le coup (thème du film Blow Up ou un photographe
photographie un meurtre sans le savoir)
2. En voyant plus large ou plus près : d'où cette course aux
objectifs grand-angle et téléobjectifs, et la fascination pour ces
satellites qui cartographient la terre entière dans ses moindres
détails, jusqu'à lire une plaque d'immatriculation.
Etre un aigle, voler le plus haut et tout voir… L'aigle, c'est
toujours l'animal que j'ai choisi dans les jeux de portrait chinois.
Enfant, je me suis fabriqué un télescope, je rêvais de jumelles,
microscopes, tout ce qui permet de mieux voir, de découvrir ce qui est
caché.
Tout photographe est un voyeur, un chasseur, un chercheur de trésor,
à la recherche de LA PHOTO.
Ainsi, ces panoramas sont-ils la concrétisation d'un vieux rêve :
voir a la fois plus large et de plus près, arrêter le temps et pouvoir
alors examiner tous les détails de l’image ainsi figée.
Pour voir loin, il me fallait des horizons dégagés. Pour voir large,
il fallait un moyen d'embrasser le champ le plus vaste possible, de
restituer cette ivresse du grand espace, cette sensation de liberté,
quand rien n'arrête le regard (exception faite des forêts, protectrices,
ou le rythme vertical des arbres remplace l'horizontale des champs. Mais
il y a cette même dimension, on peut s'y perdre…) Entendre le silence
merveilleux des déserts... sortir du cadre.
Tentative au grand-angle
J'ai commencé par utiliser des objectifs ultra grand-angulaires. La
déformation et l'amplification de la perspective qu'ils engendrent,
typiquement photographiques, très intéressantes, ne convenaient pas à
mon projet : embrasser le plus vaste espace possible pour m'y perdre,
dans un champ de 180°, 270° et même 360° mais avec une déformation
contrôlée, sans créer d'effet trop voyant, sans interpréter. Je
voulais restituer ce que je voyais sur place en tournant la tête sans
avoir l'impression de passer par un objectif et ses limites. De plus, je
ne pouvais pas dépasser 180° avec un grand angle (fish-eye)
Appareil panoramique
J'ai alors essayé des appareils panoramiques : L'objectif monté sur
une tourelle rotative actionnée par un mécanisme d’horlogerie balaye le
champ en tournant et projette l'image sur le film qui est lui même
bombé. Les résultats sont surprenants et magnifiques mais la technique
comporte aussi ses défauts : toutes les droites parallèle à l'horizon
sont courbées
Exemple de courbures panoramiques
Cette caractéristique très intéressante est très typée appareil
panoramique, trop systématique et pas forcement voulue.
Juxtaposition d'images numériques
J'ai alors commencé à prendre une succession d'images de droite à
gauche puis à les recoller dans photoshop afin d'obtenir un panorama.
Normalement, j'ai le même résultat qu'avec un appareil panoramique :
Voici 2 exemples ou l’effet de courbure est volontairement conservé : le
bord de l’océan et les sillons du champ sont des lignes droites dans la
réalité.
« Tempête à Omaha Beach »
« Travaux des champs »
Cela ne me suffisait pas de n'obtenir que des bandes horizontales
très étirées. J'ai donc décidé de les empiler aussi verticalement. Bien
sur, cela m'a posé encore plus de problèmes : ceux que je vous ai
montrés pour l'horizontal et ceux créés par l'empilement vertical. Il
s’agit d’un problème de cartographie : projeter sur un plan (la
photographie) un quart de sphère (le paysage à photographier)
Sur un planisphère (la projection d'une sphère sur un plan), les pays
équatoriaux sont très défavorisés par rapport aux pays polaires. Les
pôles semblent immenses et un pays européen beaucoup plus petit qu'un
pays africain. C'est à peu près la projection que fait un grand angle.
Logiciels
J’ai essayé des logiciels d'assemblage comme Stitcher de Realviz :
Ils produisent soit une déformation grand angle en projection plane et
une nette altération de la qualité d'image en raison d'une forte
interpolation, soit l'effet panoramique et ses courbures en projection
sphérique. Et surtout le caractère automatique génère des calculs de
plusieurs semaines et demande plusieurs téraoctets de disque dur à cause
de la taille de mes images. Je suis en rapport avec eux pour essayer de
faire évoluer cet excellent logiciel vers les très grands fichiers.
Ciel en projection plane
Ciel en projection sphérique
De plus, certains raccords peuvent poser problème : on peut observer
par un exemple un dédoublage des branches d'arbres si elles ont bougé
entre 2 prises de vue ; en effet le logiciel assemble les images en les
estompant progressivement au niveau des raccords. J'ai essayé le
logiciel Emblend qui découpe "intelligemment" les images, évite ces
flous mais outre le fait qu'il est extrêmement lent et gourmand en
mémoire, lui aussi ne fait pas toujours des raccords parfaits. J’ai
préféré utiliser une solution beaucoup plus longue mais plus maîtrisée :
assembler les images avec Photoshop en les déformant le moins possible
mais cela génère des “trous” : Voici ci-dessous une forêt prise sous un
angle horizontal de 180° et vertical de 75° (Presque 1/4 de sphère).
Ebauche de "Hiver à Versailles"
La première bande en bas est constituée de 16 images. Au sommet, pour
balayer le même angle horizontal de 180°, le nombre d’images nécessaires
est bien inférieur ; théoriquement, au sommet, c’est une image unique
(qui se répète en tournant progressivement jusqu'à 180°).
Pour bien comprendre, imaginez que les photos soient les pierres d’une
voûte sphérique que nous voulons étaler sur un plan. Nous obtenons un
triangle: 16 pierres à la base et une au sommet (la clef de voûte). Or
nous voulons obtenir un rectangle. Pour cela, Il faut donc soit élargir,
soit espacer les pierres (les photos) des rangées supérieures. Si je
n’étire pas les images du haut comme le fait Stitcher, je les espace et
doit ensuite combler les trous : je photographie, détoure et ajuste des
quantités de branches et de tronc pour recréer les pièces manquante du
puzzle. On voit nettement que les troncs partent en diagonale sur une
bande et se retrouvent décalés dans la bande supérieure. Il faut donc
tout “redessiner”.
Cependant, ce n’est pas de l’image de synthèse ; tous les éléments
sont des photographies.
« Hiver à Versailles »
L’image « Coquelicots » est une demi sphère : dans le 1/4 de sphère
supérieur, le ciel uniformément nuageux en réalité prend cet aspect de
champignon car je l’ai assemblé tel quel sans déformations (c’est notre
1/2 voûte projetée à plat sans étirer les photos ni laisser de trous).
J’ai rajouté alors du ciel bleu autour pour remplir le cadre. On voit
que le champ est un quart de sphère en symétrie.
« Coquelicots »
Un dernier problème était que les images crées dans Photoshop étaient
limitées à 30 000 pixels de long. Ce n’est plus le cas avec la dernière
version et j’ai pu alors dépasser cette taille.
Je parlais tout à l'heure de sortir du cadre. En fait, il faut tout
de même donner un cadre à l'image. En cela la photo panoramique est un
peu déroutante. Ce n'est pas facile de juger sur place de ce que va être
le résultat final. J'ai essayé avec des viseurs panoramiques comme on
utilise au cinéma. La meilleure solution reste l’utilisation de 2
équerres en carton…
Ayant une longue pratique de la chambre photographique, je peux vous
dire qu'il est beaucoup plus facile de composer une image sur un dépoli
que dans un viseur. Dans ce dernier, l'œil nage dans l'image. Il manque
du recul nécessaire.
Le " patchwork "
les plaisirs du puzzle, la plongée dans les détails
En clonant, assemblant, redessinant ces centaines de troncs,
branches, feuilles, j'avais l'impression de faire un puzzle géant. Je
comprends maintenant cette passion. C'est une vraie drogue. On n'attend
que le moment de pouvoir se plonger dans son paysage et s'évader. C'est
une fantastique exploration dans le détail. Une plongée de l'infiniment
grand dans l'infiniment petit.
Si vous avez déjà fait des croquis ou peintures de paysage, vous avez
éprouvé cette satisfaction de l'avoir observé pleinement, d'en connaître
tous ses détails, beaucoup mieux que si vous l'aviez seulement regardé
des centaines de fois. Vous êtes intimes, en communion. C'est un
excellent exercice de méditation. Comme la gravure ou la sculpture. Le
temps nous aide. Derrière l'écran de l'ordinateur, j'ai recomposé ces
paysages en découvrant tous ces détails qui m'avaient échappés au
premier abord : Une araignée sur sa toile dans les fougères du sous
bois, tous ces avions invisibles à l'œil nu dans le ciel que je prenais
parfois pour des poussières sur la photo, j'observais les brins d'herbes
un par un, les épis de céréales, étonné de leur diversité.
Détail de « Pommier »
J’ai photographié de nuit New York vue d'un immeuble de Central Park
Avenue, d’où j'avais une vue a 180 ° de la skyline à raison de 8 minutes
de pose par cliché pour les 400 clichés; j'ai beau y avoir passé de
nombreuses heures, je dois avouer que je n'y voyais pas grand-chose,
même dans le viseur de mon téléobjectif. Juste quelques fenêtres et
points lumineux. Au montage, magique ! Derrière les fenêtres sans volets
et sans rideaux, toute une vie se révélait avec impudeur : des
intérieurs, des terrasses fantastiques, des gens derrière leurs fenêtres
(j'en ai rajouté quelques uns bien sur), des quantités de scènes dignes
de Hooper à l'intérieur de l'image. Central Park n'était qu'une immense
masse noire, au point que j'ai sauté certaines zones trop noires (je
l'ai regretté car j'ai du les recréer par la suite). Sur mon écran les
photos m'ont révélé une foule de détails, pas de crime comme dans blow
up (je l'espérais secrètement…), mais des promeneurs, des arbres
fantasmagoriques.
New York
NY detail 1
NY detail 2
NY detail 3
NY details 4
Planche silhouettes
Un promeneur ? je m'y suis inséré bien sur. Cela m'a procuré
plusieurs semaines de promenades virtuelles dans Central Park. J'avais
l'impression de visiter la ville et d'explorer ces moindres recoins,
mieux que de toute autre manière.
Il y a finalement dans une ville la nuit cette même vie fourmillante,
secrète et cachée que dans ces champs apparemment déserts.
Les retraits puis les ajouts
Pour créer mon monde idéal, il me fallait éliminer tout ce qui me
gênait : maisons, poteaux électriques, voitures, panneaux de
signalisation. En général tout ce qui signe la présence humaine afin de
redonner au paysage sa virginité. Paysage vierge, mais pas sauvage.
Souvent cultivé. J'ais un attrait pour le blé, les céréales.
« Vélo au couchant »
Ces champs me fascinent par leur sage régularité, ils imposent au
paysage un rythme solide et apaisant. Ils forment un grand jardin à la
française. La nature, nourricière, est maîtrisée, domestiquée. Et donc
le rêve aussi…
« Fauteuil solitaire »
« Champ du soir »
« olza »
Que ce soit après les semis, juste avant la moisson ou après les
labours, j’aime contempler ce travail accompli, patiemment,
consciencieusement… comme le puzzle…
« detail du retour de Steven »
« Epouvantails »
Le décor est volontairement appauvri pour mieux souligner la richesse
des détails.
Pour ceux qui passent devant ce paysage sans s'y attarder, il n'y a
que désolation. C'est le règne des objets qui se mettent eux même en
scène comme les cadres dans la forêt.
Détail de « Attente »
« Mémoire des arbres »
« Mémoire des arbres » detail 1
Mais dans ces déserts, la vie fourmille, silencieuse. Elle est
toujours présente, discrète, visible uniquement par ceux qui s'arrêtent
et prennent la peine d’observer: araignées, serpent, coccinelles,
oiseaux, petit rat dans le champ, cerf a la lisière de la forêt.
« Mémoire des arbres » detail 2
« Mémoire des arbres » detail 3
« Aller-Retour »
Détail de « Aller-retour » : petit rat
« Aller-Retour » : un cerf
« Orge »
détail de « Orge »
« Coquelicot » détail 1
Détail de « Coquelicots » : l’oiseau en cage
L'homme est rarement présent : des pêcheurs dans « la conférence de
Burano » et un tracteur en activité dans « travaux des champs » ; mais
ils semblent être la depuis toujours. Ils pratiquent leur métier
séculaire et exploitent la terre ou la mer.
Détail de « Travaux des champs » Le cultivateur
Détail de « Conférence de Burano »
Ceux que j'insère appartiennent à ma famille, mes racines : ils ne
sont pas la par hasard. Ce sont des témoins, ils racontent mon histoire.
« Racines »
« Racines » detail 1 »
La petite fille au centre que j'ai voulu la plus ressemblante de la
petite Alice de Lewis Caroll présente au spectateur l'autoportrait de
mon arrière grand-père peintre. De mes ancêtres, c'est le seul que je
connais un peu par l'œuvre qu'il a laissée, l'héritage culturel qu'il
nous a légué.
« Racines » detail 2 »
Des autres, je n'ai que des photos jaunies que j'ai fait flotter dans
le lac au pied des racines. Parmi ces photos, un exemplaire de la Vie
Mode d'emploi de Georges Perec (j'en reparlerai). Au dessus, à l'air
libre, la vie. Dans l'arbre, j'ai inséré de nombreux oiseaux et des
écureuils. Dans le parc, j'ai laissé les promeneurs et rajouté un ami
peintre et son tableau, la Source : une eau qui ruisselle
continuellement, symbole des souvenirs qui s'échappent.
« Racines » detail 3 »
« Plage des souvenirs »
Là, nous sommes typiquement dans l'intégration de la photo souvenir.
La seule inconnue, la personne de dos sous son parasol, je l'ai laissée
car elle a été le déclencheur de cette image Tous les autres sont mes
proches, vivants et disparus, parents et enfants, présent et passé.
C'est une mise en abyme dans le temps. J'ai introduit des photos
actuelles de mes enfants, et d'autres photos prises il y a 15 ans. J'ai
aussi collé sur les portes des cabines des photos-souvenirs de famille.
Tout est bien sur fait num������������������������������������������������riquement même le scotch qui tient les
photos.
Vous pourrez constater qu'il y a une distorsion de la perspective,
notamment si vous regardez les planches sur le sol, j'ai dû les
reprendre une par une et créer cette perspective extrêmement aberrante.
Pour obtenir naturellement cet effet, il aurait fallu prendre la photo
au téléobjectif à plusieurs km. Les cabines ont toutes été
photographiées une par une et presque de face. Il fallait quand même
légèrement voir les cotés pour garder un minimum de réalisme. Pour les
voir toutes de face il aurait fallu qu'elles soient toutes situées sur
un arc de cercle dont j'aurais été le centre.
Une nouveauté, l'apparition de très gros plans. Une nouvelle
distorsion de la réalité : on ne peut avoir de si gros plan dans un
panorama sans qu’ils soient très déformés. J'ai du prendre le volant, la
main et le rétroviseur en plusieurs images pour atteindre la résolution
nécessaire. C'est un autoportrait sur le panneau au fond de la plage
réfléchi par le jeu de miroir du rétroviseur et de l'objectif. Les 4
éléments sont présents : la terre la mer l'air et le feu.
« Echo »
« Echo » détail 1
« Echo » détail 2
« Echo » détail 3
Autoportraits
Vous avez vu précédemment des autoportraits. J’en glisse de plus en
plus :
« liberté surveillée »
« liberté surveillée » détail 1
« liberté surveillée » détail 2
Les assemblages
Ces paysages sont souvent très recomposés. Afin d’obtenir ce que je
cherchais, je me suis constitué des collections d'arbres, de cieux, de
champs, de forêts que j'assemble ensuite
Planche contact d’arbres
Planche contact
Planche contact ciels
L’éclairage
J’ai pu ainsi non seulement mettre exactement ce que je voulais, mais
aussi retrouver la maîtrise de l'éclairage que j'ai en studio : je
photographie un champ sous un certain éclairage, rasant mais je lui
choisis un ciel totalement différent, retrouvant ces atmosphères
d'orage, surréalistes. On retrouve le décor de cinéma en studio.
« Aller-retour » (C)
Les répétitions
Sur mes premières compositions, il n'y avait qu'un objet très intégré
dans le décor : vélo au couchant, coquelicots, (départ). J'ai à un
moment commencé à répéter les objets.
« 3 ballons sur une plage »
« marée basse»
L'objet s'impose dans le décor, impose un rythme, une rigueur et
surtout donne l'échelle, cette notion de distance et de profondeur qui
avaient tendance à disparaître dans ces paysages si dépouillés. La
répétition du même objet ajoute un coté obsédant, hypnotisant et
favorise donc le rêve. J'aime de temps en temps un peu d’humour, prendre
du recul, relativiser et ne pas trop me prendre au sérieux. Ainsi
lorsque j’ai construit « Bicyclettes abandonnées », je préparais la
course Paris-Versailles et m'entraînais tous les jours sur cette route,
à pied et en vélo. J'ai bien eu le temps d’y méditer. Il fallait que je
fasse cette image…
« Bicyclettes abandonnées »
« Conférence de Burano »
Chez moi, toute la journée, mon chien, assis sur un fauteuil, attend.
Le fauteuil aussi semble t’il. J’ai toujours aimé en m’asseyant dans un
fauteuil ancien, caresser l’idée que des hommes innombrables, s’y sont
assis avec volupté, l’on possédé. Ils ne sont plus, lui reste…Les bras
toujours ouvert à attendre un nouvel occupant. S’ils avaient des
oreilles…Je les ai immortalisés dans « La conférence de Burano ».
J’attache beaucoup d’importance a ces objets : ce sont les instruments
d’un dialogue silencieux, visuel, tactile et olfactif entre les hommes,
après qu’ils aient disparus.
Netteté
Enfin, je voulais une netteté absolue : celle que l'on a justement
sur une carte de géographie ou sur une planche de botanique ou
d'entomologie, puisque chaque plante, chaque animal est répertorié, à sa
place précise.
Détail de « Champ du soir »
J'avais auparavant déjà photographié des paysages avec une chambre
photographique grand format mais je n’avais pas ces résultats car :
- Malgré les possibilités de bascule et de décentrement qui permettent
beaucoup de choses (en particulier l'amélioration de la netteté grâce à
Shempflug), ce n'était pas possible d'obtenir une netteté totale aussi
bien à 30 cm qu'à l'infini.
- Les lointains sont en plus toujours un peu brumeux et diffus (comme
l'enseignait Leonard de Vinci dans son traité sur la peinture) : je
contraste et renforce ces infinis et choisis le moment de la journée
pour un éclairage optimum.
- Aucun objectif ne peut fournir en une seule prise de vue cette netteté
que j'obtiens en assemblant 200 photos.
Le fait de photographier par bandes horizontales m'a permis en
faisant à chaque fois la mise au point d'être toujours le plus net
possible. Cela pose un autre problème : pour chaque vue avec un premier
plan, je suis parfois obligé de faire au moins 2 shoots, l’un avec une
mise au point sur l’arrière plan, l’autre sur le premier plan, et de
détourer ce dernier pour l’incruster sur le fond. En général, il s’agit
de feuillages ou d’herbes agités par le vent. Vous voyez le problème…
même sans bougé, je dois redessiner le fond : en effet lorsque la mise
au point est faite sur l’arrière les objets avant, flous, sont plus gros
que lorsque le point est fait sur eux. Je dois donc les effacer avant de
les incorporer nets.
Restent les nombreux autres problèmes à résoudre dus aux défauts des
objectifs: vignetage, barillet…Ils sont maintenant résolus grâce aux
récent modules de DXO, photoshop, Nikon capture…On a l'embarras du
choix.
A la recherche du jardin d'Eden
J'ai toujours placé aussi un grand nombre d'éléments. Des objets en
attente (du retour de l'homme ? Je ne sais pas…) En tout cas tout était
immobile, figé, glacé même… parfois inquiétant, comme après une
catastrophe. Peu à peu, l'angoisse à fait place à une euphorie.
Peut-être cette sensation que j'éprouve devant cette capacité de modeler
mes rêves et d'y trouver l'Eden. Alors qu'il y a 2 ans je collectionnais
les arbres morts et les ciels d'orage, je collectionne maintenant les
arbres en fleurs et les ciels bleus au soleil couchant.
« Le droit chemin »
« Le droit chemin » détail 1
Bien sûr sur la table; la pomme entamée de la tentation, le serpent,
un chat
« Le droit chemin » détail 2
« Le droit chemin » détail 3
« Péché originel »
« Péché originel » détail 1
« Péché originel » détail 2
« Péché originel » détail 3
La pomme croquée, le serpent, les vêtements derrière la botte de foin
Souffle de vérité
« Souffle de vérité »
« Souffle de vérité » détail 1
La feuille qui flotte au dessus de la table de la cène et ses 13
chaises vides, c'est un passage de l'évangile selon St Jean que je vous
laisserai lire. C'est l'attente et la fidélité récompensée (symbolisée
par les chiens dans fleurs)
« Souffle de vérité » détail 2
Commémoration
« Commémoration »
« Commémoration » détail
Un paysage totalement recomposé à l'image que je me fais de l'Eden,
tout a été rajouté peu à peu numériquement : les arbres, les fleurs, les
bougies, l'icône, le raisin, les colombes.
A ce sujet, mon travail est de plus en plus une lente élaboration
devant l'ordinateur ou les éléments s'ajoutent les uns après les autres
et l'image est très loin du premier shoot. Je vous décrirai à la fin le
processus de création d'une image. ("filiation")
Vraisemblance
Voilà, ces images sont donc très fabriquées, recomposées. Nous sommes
loin de l'instantané. J'ai voulu que cela reste de la photographie, ou
du cinéma en arrêt sur image, que l'on y croit : j'ai donc veillé à
rester dans la plus grande vraisemblance photographique possible :
respect des ombres, des reflets, des défauts de la réalité.
Il reste toujours des détails qui ne collent pas. Ces images ne sont
pas encore achevées et je ne sais pas quand elles le seront. A chaque
fois que je regarde une image, je trouve un petit défaut. Difficile à
déceler.
Contraintes
Arrêter le temps… dans le cas de ces prises de vue, ce n'est
pas si facile. En effet, prendre 400 vues ne se fait pas en 1/30 de
seconde. Plutôt ½ heure. Les cieux tourmentés que j'aime ne m'attendent
pas. Parfois la magnifique lumière d'un éclairci ne dure que quelques
minutes. A peine le temps de démarrer la série de shoots. La pluie se
met aussi de la partie. Et surtout même dans les meilleures conditions,
les nuages bougent, changent, et vite… ce qu'il y a de plus fugace,
c'est un coucher de soleil. Le temps de faire le tour d'horizon, et il a
disparu. Je suis donc obligé de changer de méthode : je commence à
prendre le ciel dans son panorama bien avant que le soleil soit à
l'horizon. Quand ce dernier se couche, je quadrille alors le ciel tout
autour, puis le réincorpore dans le panorama. Au début je prenais ces
photos dans l'urgence, je sais maintenant qu'il faut vraiment prendre le
temps. A gagner quelques minutes à la prise de vue, je risque d'avoir
des variations de lumière ou des trous (clichés manquants). Les réparer
va prendre plusieurs jours de travail derrière l'ordinateur.
Lorsque je me promène dans un lieu, je me déplace, laisse aller mon
regard, m'approche, m'éloigne, prend connaissance et possession de
l'endroit, mais le temps fuit : tout m'échappe, la lumière change, les
animaux se cachent, la nuit tombe. Je ne suis pas sûr de retrouver ce
moment.
J'ai essayé de fixer le temps dans toutes ses dimensions et dans
toute sa richesse. Confronté maintenant aux problèmes d'expositions
de ce travail, je m'aperçois qu'il tient de l'installation autant que de
la photo. En effet, je ne veux pas le montrer en petit format car il
perd son intérêt. La dimension des tirages est telle qu'elle pose de
nombreux probl��mes techniques : taille des machines de tirage, support
de collage, transport, dimensions des salles d’exposition.
Un exemple illustré : Filiation
Un sujet que je voulais traiter depuis longtemps : la ressemblance
étonnante entre mon épouse, sa mère et ma fille. Toujours dans le cadre
de la mise en abîme par la photo souvenir, je voulais les représenter à
différents âges, tenant chacune le portrait de leur enfant. C'est la que
l'on peut dire qu'il y a une démarché photographique ou hyperréaliste
dans mon travail, c'est-à-dire que tout n'est pas le fruit de mon
imagination comme en peinture; il faut pour que cette idée s'exprime
qu'un sujet réel s'impose à moi. Je donne cette précision car à la suite
d'une conférence que j'avais donné aux Beaux Arts de Paris, un forum de
discussion s'était ouvert sur l'excellent site d'Henri Peyre :
www.galerie-photo.com . Mes
propos (mes photos, loin d'être des instantanés, sont entièrement
recomposées) étaient comparés à ceux de Mario Giacomelli « Ce qu’on ne
comprends pas, c’est que ce n’est pas moi qui fait les images, ce sont
les images qui me choisissent». Ma position n'est pas éloigné de cela :
j'ai tout d'abord besoin pour élaborer un image de rencontrer des sujets
qui m'interpellent, d'être choisi par des paysages. La magie de la somme
d'éléments hasardeux qui font une bonne photo est essentielle. S’ils ne
sont pas tous présents, je les rajouterai, mais il en faut. Une
atmosphère doit se dégager du lieu pour qu’il soit inspirant. Je ne fais
pas de l’image de synthèse, au contraire, je m’appuie sur le réel et ses
défauts. Ils sont essentiels, je ne les gomme pas. La perfection sans
défaut perd sa réalité.
Revenons donc à l’image. J’ai pris celle-ci comme exemple car c’est
la dernière que j’ai faite, alors que je préparais ma conférence. J’ai
donc fait au fur et à mesure des captures d’écran pour vous montrer
l’élaboration de l’image. Dans ce cas précis, elle est très recomposée
comme vous allez le voir.
allée de cerisiers
Le décor, je l’ai trouvé dans une allée de cerisiers en fleurs (mon
épouse est d’origine asiatique). Cette allée était en pleine ville, avec
un environnement très laid ; il fallait un peu d’imagination.
Heureusement les fleurs sont magnifiques, en gros plan.
Branches
Détail allée de cerisiers
J’ai choisi ce lieu car je voulais une allée très régulière et de
jeunes cerisiers qui fleurissent beaucoup plus.
Vous avez vu plus haut ce que j’ai obtenu par assemblage dans
photoshop. Voici maintenant ce que donnait Stitcher en projection plane
:
Allée de cerisiers en projection plane avec Stitcher
Je me suis aperçu alors que l’allée était trop étroite pour contenir
tous mes personnages. Je voulais qu’il y ait une allée par destinée,
c'est-à-dire trois. Je suis donc allé chercher une deuxième allée que
j’ai assemblée à nouveau.
Allée 2
Chaque allée est constituée de plusieurs centaines d’images et
l’assemblage est très fastidieux, sans parler du détourage de toutes les
fleurs, feuilles etc. Il faut même détourer le ciel puisqu’il est
différent derrière chaque allée. Chacune de ces dernières fait déjà 1
bon Go de taille. La troisième, je l’ai recrée à partir des 2 autres par
symétrie et clonages (j’aime bien recréer ainsi cette symétrie que l’on
trouve dans la nature, une symétrie apparente qui n’en n’est pas car il
y a d’imperceptibles différences comme sur un visage humain ou sur les
ailes d’un papillon. Pour cela je duplique, inverse et modifie surtout
des éléments très visibles au premier abord, comme les grosses branches
à la tête des arbres). Puis je photographie des troncs et des branches
en divers endroits et les ajoute à mon image.
Planche de tronc et cerisiers
Branches de cerisiers
Divers assemblages de cerisiers
Voici la première étape :
Il me faut maintenant un sol pour unifier cela, une immense pelouse,
l’endroit idéal sera un golf.
golf
J’ai recréé sur l’herbe les ombres des arbres avec un masque de
luminosité.
assemblage 3 allées et golf
Je suis ensuite aller chercher dans mon stock des fleurs de mon
jardin des massifs de rhododendrons, et j’ai commencé à composer mon
jardin imaginaire.
massif fleurs 1
massif fleurs 2
massif fleurs 3
massifs de fleurs assemblés
massifs de fleurs assemblés et intégrés
massifs de fleurs assemblés et herbe du golf
Cette partie du travail est très euphorisante mais que de détourage !
J’ai beaucoup fait de duplications et clonages, toujours pour créer
cette symétrie et cet effet de répétition. J’aime ces répétitions car
elles ont quelque chose d’hypnotisant, d’onirique, un peu hallucinant.
J’ai tordu un peu les perspectives en clonant aussi les allées, en les
faisant descendre et monter, se chevaucher. L’espace est empli de
végétation, c’est un délire floral. Mais il manquait un vieux cerisier,
un tronc qui ait du vécu.
Vieux cerisier
Je l’ai trouvé, l’ai photographié sous 2 faces (encore 2 fois 150
photos assemblées), puis l’ai incrusté à droite et à gauche, non sans
quelques difficultés dues aux grosses différences d’éclairage et de
taille de fleurs.
Le décor est fin prêt pour accueillir mes 3 personnages. Je les ai
photographiés dans mon jardin, dans la même robe, portant chacun un
cadre.
planche Emmanuelle
mise en place des 3 personnages
Intégration des 3 personnages
Après quelques modifications de couleurs de robe, je les ai placés,
et j’ai rempli les cadres avec des portraits plus anciens.
Planche de portraits de Paul
3 personnages dans le décor
Comme je vous l’ai dit, la construction de l’image évolue au fur et à
mesure. Je voulais que chacune dans son allée progresse sur le chemin de
la vie. Il me fallait donc les prendre à différents âges. Là, c’était
plus difficile parce que j’étais obligé de récupérer d’anciennes photos
argentiques. L’éclairage, le grain, tout est différent. En ce qui
concerne ma belle-mère, je n’ai pu avoir que d’anciennes photos noir et
blanc avec beaucoup de grains, et avec un éclairage d’intérieur très
artificiel. Il m’a donc fallu les colorier, dé tramer et refaire un
éclairage dans photoshop.
Planche de portraits anciens
Planche d’intégration des personnages
J’ai récupéré à cette occasion une photo de
l’arrière-arrière-grand-mère indochinoise qui présente une certaine
ressemblance avec mon petit-fils et l’ai aussi intégrée dans un cadre
que porte ma fille. Pour elle et mon petit fils qui n’ont pas encore
beaucoup changé d’âge, j’ai plutôt joué des changements d’attitude
immédiats.
Essais intégration Grand-mère
Mère
Reste à vérifier les problèmes de perspective. C’est souvent cela qui
rend l’image fausse : de mauvaises proportions. J’établis donc une ligne
d’horizon, des points de fuite, et fait coller les dimensions de ces
personnages aux lignes de fuite.
tracé des lignes de fuite de la perspective
Ce n’est pas fini. Il me faut faire un reflet. L’eau, le miroir,
puissant élément de symétrie et d’évasion, s’impose. J’ai donc sillonné
les rivières de ma région pour trouver un bord d’eau assez dégagé, près
d’une prairie. Ce n’est pas si facile à trouver que je l’aurais cru !
Il faut ensuite découper l’image en 6 pour créer des reflets sur des
images pas trop lourdes ( de l’ordre du Go quand même…)
Découpe de l’image en 6
Création du reflet
J’ai ensuite créé l’eau par symétrie, et différents filtres
océan/ondulation/soufflerie/flou/bruit. Et, pour finir, l’outil doigt…
Le reflet finalisé
Détail 1 du reflet
Détail 2 du reflet
Beau petit voyage dans les formes et les couleurs. Ce que j’essaie
d’obtenir dans ces hyperphotos, c’est que chacune soit un microcosme
dans lequel on peut, en recadrant, retrouver des milliers d’images, se
perdre.
Détail 3 du reflet
Pour le coup, je me sentais perdu dans cette image, il manquait un
cadre, un premier plan, quelque chose de masculin par contraste.
Troncs |
J’ai donc photographié ces 2 troncs. C’était ce
fameux mois de mai pluvieux, et j’ai du attendre 3 semaines.
Chaque tronc est constitué d’une cinquantaine de photos.
Cela a été compliqué car il m’a fallu m’approcher à un mètre
cinquante, avec un téléobjectif, et balayer le champ du sol
jusqu’à environ 5 mètres de haut, d’où un gros problème de
perspective. Comme je vous l’ai dit, je n’étire pas les photos
dans ces cas là pour ne pas donner d’effet grand angle et
altérer la qualité de l’image. Je grossis donc les troncs au
sommet par clonage.
|
Pour terminer le cadre et pour que l’incrustation des arbres soit
plus naturelle, il me fallait des plantes en premier plan, j’ai donc
photographié des plantes d’eau (re-assemblage, détourage…fastidieux !).
Plantes d��eau
A cette occasion j’ai trouvé un nid : c’est la magie du hasard en
photo ! Dans ce cas, c’est bien le sujet qui s’impose à moi, et pas
l’inverse.
Nid
J’ai enfin perdu pas mal de temps sur le rhododendron à gauche que
j’ai finalement recouvert de feuillage. Ces très gros plans sont
difficiles à réaliser car chaque feuille, chaque pétale, n’a pas la même
nettet���� que celui qui l’entoure à cause de la tr��s faible profondeur de
champ.
Pb de profondeur de champ sur le rhododendron
« Filiation » terminée
Conclusion: un retour aux origines.
Pour conclure, je voudrais dire que ce travail hyperréaliste est
aussi en quelques sorte un retour aux origines.
Lorsque la photographie fut découverte, ce fut surtout une curiosité.
Ses inventeurs, Niepce et Talbot, surpris par le résultat, n'ont pas
compris tout de suite l'intérêt immédiat de ce qu'ils ont obtenu. Des
peintres furent les premiers à se saisir de cette technique, non pour en
faire un art mais comme instrument, dans la continuité de la camera
obscura.
Mon arrière grand père Jules Alexis Muenier, peintre Franc-comtois
(1863-1942) de cette époque, nous a laissé des centaines de
photographies sur plaques de verre de personnages, de paysages, de
clochers, de meubles. C'est lui qui est présent dans Racines.
Dans son ouvrage récent - Beyond impressionism, the naturalist inpuls
-, Gabriel P. Weisberg, professeur d'histoire de l'art à l'université du
Minnesota (Harry N. Abrams inc. Publishers, NY) explique que, au moyen
d'une lanterne magique, il projetait ces clichés sur sa toile pour les
reproduire et composer son tableau. Les peintres naturalistes de Franche
Conté procédaient ainsi, en cachette bien sûr, car le procédé était
honteux et secret…ces premiers photographes peintres avaient déjà ainsi
leurs catalogues de cliché et recomposaient leur paysage en atelier.
Gustave Legray (1820 - 1882) faisait déjà des panoramas en
juxtaposant ses clichés. Lors de la récente exposition de son œuvre a la
Bibliothèque Nationale, nous pouvions constater qu'il recomposait ses
images car on retrouvait le même ciel sur des images différentes.
« Panorama du camp » de Gustave Legray »
Observez de William Henry Fox Talbot (1800-1877) The Haystack (La
Meule de foin) :
La planche X de « The Pencil of Nature » veut faire la preuve que la
photographie peut reproduire « une multitude d’infimes détails qui
ajoutent à la vérité et au réalisme de la représentation et qu’un
artiste ne pourrait prendre la peine de copier fidèlement d’après nature
».
Citons enfin le peintre David Hockney : fasciné par le Grand Canyon,
il l'a beaucoup peint, et l’a aussi reproduit par assemblages de
polaroïds.
Ce qui m’intéresse, c'est la poésie, l'évasion. Il y a peut être une
réflexion sur la présence de l'homme sur la terre, une inquiétude, mais
je laisse les autres commenter cela.
Vous pourrez voir mon travail complet et la conférence en ligne
sur www.hyper-photo.com .
Un DVD sort prochainement présentant ce travail et contient des
explications illustrées.
Un livre sur les 40 hyperphotos réalisées de 2002 à 2006 (160 pages
30 x 42 cm) a été édité en édition limitée à l’occasion des rencontres
2006 de Arles. Il sera aussi réédité prochainement. Demandez sur le site
(contact).
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