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l'auteur

Paul Kopff



Paul Kopff
Pseudo "polka" sur les forums
des sténopistes (F295.org), et autres...
 Ingénieur, chercheur (retraité),
Docteur en Mécanique
Fait des photos depuis toujours
pour son seul plaisir... avec n'importe quoi (la preuve !)

 

 

Merci à Georges Laloire
pour sa relecture bienveillante

 

Mon спутник (spoutnik),
nouveau « compagnon de route »

par Paul Kopff

Cette année à Bièvres, je suis tombé sur un спутник en assez bon état, et je l’ai acheté (pour un prix modique) en particulier parce qu’il était « cyrillique » de la tête aux pieds, mais aussi parce que (par goût du risque) j’en avais lu tant de mal sur les forums. Sans compter que j’avais depuis longtemps envie d’essayer la stéréoscopie.

Description de la « bête »

Le спутник est très laid, tout le monde est d’accord, mais là n’est pas la question.

Son corps est moulé en bakélite, une matière plastique noire dure, la même que celle des Kodak brownie ou quelques autres appareils bon marché des années soixante. C’est très fragile, et s’il avait eu le moindre « pet », la moindre fissure, je ne l’aurais pas acheté.

Il comporte trois optiques, deux pour la prise de vue et une pour la visée réflex au centre.

L’optique de visée est légèrement surélevée, contrairement à la solution de trois optiques alignées des Rolleidoscopes. C’est un avantage, car l’ensemble de visée (miroir à 45°, dépoli-lentille de champ) encombre moins les deux chambres de prise de vue et peut donc être dimensionné pour une visée plein cadre.

Les deux optiques de prise de vue sont des « Lomo T22 » (vraisemblablement des anastigmat à trois lentilles – non traités antireflets) de focale 75mm et ouvertes à 4,5 (et fermant jusqu’à 22). L’optique de visée a visiblement une focale différente (plus courte), car le cadre du viseur est nettement plus petit que les 55x55mm des fenêtres de prise de vue.

Les deux optiques de prise de vue sont couplées entre elles par des engrenages solidarisant aussi leur mise au point avec la mise au point sur dépoli de l’optique du viseur. D’après mon premier film, la mise au point dans le viseur et celle dans les deux chambres sont correctement couplées. Si ça n’avait pas été le cas, il aurait fallu démonter l’engrenage du viseur et le repositionner (opération délicate, dont je suis content d’avoir été dispensé !).

L’optique de droite porte les réglages de diaphragme et de vitesses ; le réglage du diaphragme est reporté mécaniquement sur l’autre optique par une barre, sous les optiques ; mais l’horlogerie (assez limitée) des vitesses ne se trouve que dans l’optique de droite (125-60-30-15-B), l’obturateur de l’optique de gauche est « esclave », il s’ouvre et se ferme simultanément à celui de droite par l’effet d’un petit levier de couplage juste en dessous de l’optique de visée.

Apparemment, le viseur du спутник est exactement le même que celui du любитель (lubitel = amateur) : un verre clair avec lentille de champ reconcentrant la lumière de l’optique de visée et une zone dépolie ronde centrale pour parfaire la mise au point avec l’aide d’une petite loupe assez difficile à mettre en batterie - il faut bien le reconnaître. La mise au point peut se faire entre l’infini et en gros 1,2m. Les distances sont marquées sur le fût de l’optique de visée mais leur progression est assez curieuse (et à mon avis sans intérêt justifiable) : infini – 11m – 8m – 5,6m – 4m – 2,8m – 2m – 1,4m (comme si c’était des nombres d’ouvertures !?).

Les deux fenêtres des chambres font 55x55mm et sont écartées de 64mm, alors que les optiques sont écartées de 63mm, donc il y a dans les cadrages un léger strabisme qui positionne les bords des images à 4-5m (ce qui est bien ! ça montre l’image en relief comme si elle était vue « encadrée » à 4-5m).

La pellicule se charge relativement facilement et l’appareil fermé ne montre pas (sur mon premier film) de fuites de lumières trop importantes (elles restent cantonnées aux bords du film en dehors des images). A noter pourtant que les pièges à lumière sont de simples chicanes non munies de « mousses », mais qui ont l’air assez bien conçues.

Premier film d’essai

J’ai chargé l’appareil avec un film Ilford Delta100 et je suis parti faire 6 photos : j’ai choisi des sujets présentant une assez grande profondeur entre 3m et 6m pour obtenir du relief suffisamment « saisissant ».

Sur les 6 photos, 5 sont techniquement réussies (une fois, j’ai oublié d’avancer le film entre deux déclenchements - il n’y a aucune sécurité contre les surimpressions).

Celle-ci présente de l’intérêt pour son maximum de relief :

 


Télécharger cette image en grand format

   

 

Dièses et bémols :

La mise au point sur dépoli m’a semblé assez difficile à faire à la prise de vue, mais en fin de compte, mes photos sont assez nettes (voir discussion plus loin).

Sur certaines paires « réussies » (mais pas toutes) les deux images n’ont pas exactement les mêmes densités (l’une est parfois un peu plus claire que l’autre). J’ai pu corriger ce défaut avec Photoshop. Plusieurs explications sont possibles :

- temps de pose inégaux (exclu par la solution d’obturateurs maître-esclave couplés)
- ouverture des diaphragmes inégaux (j’ai vérifié leur couplage, ce n’est pas le cas)
- diffusion de lumière parasite par les parois latérales des chambres (assez brillantes comme celles du любитель)

Parce que les légères différences de densité ne sont pas toujours du même côté et semblent dépendre des éclairages, je ne peux retenir que la dernière cause possible, et je me propose de la corriger bientôt en tapissant les chambres de feutre noir !

Discussion sur
la « qualité des images »

Les optiques de prise de vue qui équipent cet appareil ne sont pas des « ménisques », mais ce ne sont après tout que de « simples anastigmats » à trois lentilles. Pourtant, à mon avis ça va bien.

Déjà, comme ils ne sont pas traités, on n’aurait rien pu imaginer de mieux que des optiques de formule Tessar (à quatre lentilles en trois groupes) ; plus n’aurait pas été raisonnable. Et moi, je pense que ces anastigmats « font le boulot », voici pourquoi :

Qu’on observe des paires stéréo avec des visionneuses ou d’autres techniques, on ne recadre pas en général, on regarde les images toujours plein cadre. Dans notre cas, on regarde des images qui font au départ 55x55mm.

D’après les opticiens, la résolution maximale de nos yeux (le grain de nos rétines) est au mieux de l’ordre de 0,0002 radians (et c’est très optimiste ; d’autres disent jusqu’à 0,0005 radians). Si on visionne des images de 55mm de large (et de haut) avec une visionneuse qui nous les présente suivant un angle de ½ à 1 radian (plutôt de l’ordre de ½ radian, parce qu’un angle de 1 radian est difficile à embrasser sans fatigue), la netteté maximale efficace est de l’ordre de 1/40mm.

J’ai examiné mes négatifs (photos prises à main levée) de près, et j’y vois une netteté de 1/30mm, donc on n’est pas au taquet, mais on n’est pas loin.

Prises de vue et visionnage

La plupart des discussions sur la stéréoscopie tournent autour d’arguments sur la distance entre les optiques de prise de vue et l’écartement de nos yeux. En résumé, pour voir un relief « naturel », il suffirait que l’appareil de prise de vue stéréo écarte ses deux objectifs de la même distance que celle qu’il y a entre nos deux yeux.

A mon avis, ce n’est pas « suffisant ».

Dans l’idéal, il faudrait en outre que la visionneuse nous présente les images sous le même angle que la prise de vue, c’est-à-dire qu’elle ait des oculaires de mêmes focales que l’appareil ! Mais quand (comme c’est souvent le cas) les oculaires de la visionneuse ont des focales un peu plus longues, elles nous montrent les images sous un angle plus faible (pour plus de confort oculaire), alors ces images semblent représenter des objets plus petits (ou plus éloignés) présentant des profondeurs relatives plus importantes (donc légèrement exagérées – mais ce n’est en général pas vraiment discernable).

Les méthodes utilisables pour visionner en relief des paires stéréoscopiques sont de divers ordres :
- Diapositives ou tirages contacts chargés par paires dans des visionneuses binoculaires
- Photos papier examinées par paires à l’aide de visionneuses comportant des jeux de miroirs
- Photo papier mixant la paire, vu à travers des lunettes permettant leur discrimination
- Photo papier mixant la paire permettant la discrimination par un revêtement gaufré
- Images mixées sur écran vues à travers des lunettes permettant leur discrimination
- Photos papier côte à côte au relief visible sans accessoire en se forçant au strabisme

Cette dernière méthode peut être conçue de deux façons :
- On se force à un strabisme nul ou légèrement divergent pour voir des paires de photos de petite taille destinées aux visionneuses binoculaires, sans en utiliser une. C’est très difficile de s’entrainer au strabisme divergent même léger.
- On imprime les photos en intervertissant les vues (vue pour l’œil droit à gauche et vue pour l’œil gauche à droite), et on visionne le relief en forçant un strabisme convergent. C’est beaucoup plus facile, car nous utilisons naturellement ce strabisme pour observer des objets de très près.

Je favorise pour ma part cette dernière méthode (c’est un choix personnel) pour plusieurs raisons :
- Il ne faut aucun accessoire pour visualiser le relief, et même :
- Les porteurs de lunettes peuvent les garder (ce n’est pas le cas avec certaines visionneuses)
- L’entrainement au strabisme convergent est relativement aisé
- On peut tirer ou imprimer des paires stéréo de grande taille, ce qui permet en outre :
- De les regarder en « mono » d’aussi près qu’on veut pour en apprécier les détails
- Et parce que les appareils de prise de vue stéréoscopique bi-objectifs prennent les paires d’images de telle façon qu’elles peuvent être exploitées directement pour le tirage (ou pour l’impression après scan) sans manipulations, à l’instar de la préparation de paires pour visionneuses*.

Mode d’emploi (très) pratique

Le visionnage de paires stéréo interverties par strabisme convergent peut se faire sans aucun accessoire sur des tirages ou impressions jet d’encre de toute taille. Personnellement, je scanne et j’imprime sur A4 une paire de 2x(14cmx14cm). Je les place à 30-40cm (je les pose sur mon écran d’ordinateur que je peux incliner à volonté), et je porte mon index à une dizaine de centimètres de mon nez. Je le fixe et au bout de quelques secondes, je vois derrière lui deux images qui se mixent en une vue en relief : au centre ! Mais de part et d’autre, deux images plates sont aussi visibles, et si on se laisse distraire par elles « pouf » l’image en relief disparaît et on se retrouve à regarder une paire.

Pour remédier à ça – et faciliter l’émergence du relief, je conseille de fabriquer le petit accessoire simple suivant en carton noir :


- dimensions hors tout : 140mm x 65mm
- dimensions de la fenêtre centrée : 45mm x 45mm
(Télécharger ce ficher en jpg imprimable)

La façon la plus futée de l’utiliser :

Vous vous placez à 30-40cm de la paire stéréo (ou toute autre distance adaptée à la taille des images et à votre vue), vous fermez un œil et vous visez la vue correspondant à votre œil ouvert (moi, je ferme l’œil droit, et je vise donc la vue à droite - qui est pour l’œil gauche)

Vous ajustez la distance entre votre œil et le cache pour voir juste une image plein cadre, et vous ouvrez les deux yeux : instantanément – en moins de deux secondes, vous voyez deux images se confondre en une vue en relief, et vous ne pouvez plus être distrait par les deux images latérales qui seraient visibles sans le cache.

Comme cet accessoire simple est une visionneuse sans lentilles, je le baptise STÉRÉOPÉ (par analogie avec le mot « sténopé » qui désigne un appareil photo sans optique).

Mais supposons qu’on colle une lentille (de faible puissance) contre la fenêtre du cache ? J’ai essayé avec des bonnettes de grande taille que j’avais, de +1 et +2 dioptries – ça agrandit un peu l’image, je ne sais pas si ça a une grande influence sur l’effet de relief, mais la fusion des deux vues redevient plus difficile ; avec 3 dioptries elle devient carrément impossible. Si ça vous dit d’essayer, les ébauches pour lunettes (avant qu’elles ne soient retaillées pour prendre la forme des montures) sont des lentilles rondes de 70mm de diamètre. Vous pouvez en acheter chez votre opticien – normalement, il les vend par paires, mais suivant les ordonnances (de ceux qui en ont vraiment besoin) elles peuvent être de puissance différente – donc s’il vous oblige à en acheter deux, vous n’êtes pas obligé de prendre les deux mêmes (si vous voulez varier les essais).

* Sur le montage de diapos pour visionneuses voir deux publications d’Henri Peyre sur ce même site dans les pages consacrées à la photographie en relief
- montage photo-stereo en 6x13
- montage : couper les vues en stereo

 

 

Liens

Le site de Magalie Ducros : Une passionnée
http://photo.stereo.free.fr/
http://photo.stereo.free.fr/utils/liens.php  

Toute la Stéréo 3D
http://tls3d.fr/ 

Et sur ce site, une "visionneuse" au principe étonnant  http://tls3d.fr/materiel/methodes/planar/planar.php 
Avec le tutoriel : fabriquer son propre écran 3D http://tls3d.fr/forum/viewtopic.php?f=41&t=12
 et un clip Youtube https://www.youtube.com/watch?v=SlQyy6i3tPo 
et même une boite allemande qui fabrique et commercialise ! http://www.rbt-3d.de/index.php?client=1&lang=1&idcat=57&idart=200&m=&s= 

Autres articles du même auteur :
www.galerie-photo.com/photographie-anamorphique-stenope.html
www.galerie-photo.com/stenope-cercle-image-theorie.html
www.galerie-photo.com/stenope-cercle-image-pratique.html

 

 

 © Paul Kopff Clamart, le 1er Janvier 2018

 

dernière modification de cet article : 2018

 

 

 

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pour toute remarque concernant les articles, merci de contacter henri.peyre@(ntispam)phonem.fr

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