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l'auteur

 

Henri Gaud
Photographe pour les Editions GAUD
Editions familiales publiant des livres
spécialisés dans les domaines du patrimoine
en premier lieu les abbayes cisterciennes
puis le vitrail contemporain et
aujourd'hui majoritairement
les jardins contemporains
le rapport minéral végétal.

Editions Gaud
11 rue Brulard
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Noir et Blanc, une semaine de vacances RVB

un test en trichromie, par Henri Gaud

Introduction

Rentrée 2005, l'ambiance est au plus mal, le film ne se vend plus, les boîtiers à films ne trouvent ni clients ni vendeurs ; bientôt il sera difficile de faire de la couleur sans capteur numérique.

Mais sur la planète Internet, un petit village gaulois résiste encore ; le village Galerie-Photo continuera à faire de la photo, quoi qu'il arrive, et même en couleur. Si, si ! En couleur.

Je vous propose de partager ce test, fruit d'une semaine de vacances. Il s'agit de faire de la photographie en couleur avec des films noir et blanc. Il est très probable que notre approvisionnement en noir et blanc soit toujours possible pendant de longues années. Le noir et blanc est par ailleurs plus facile à fabriquer et bien sûr plus facile à stocker, surtout sur le long terme. J'ai comme objectif 2006 de remplir un congélateur de Tri-X 8x10. Je ne souhaite pas manquer de mon film préféré.

Bien sûr ce que je vous propose n'est pas une invention, mais une mise en œuvre moderne du travail d'invention de Ducos du Hauron et Charles Cros qui ont compris et détaillé le procédé dès 1869. Grâce à l'informatique, nous allons pouvoir aller un peu plus loin.

Le test

Notre test est très simple :

Utilisons une bonne émulsion connue et reconnue, un révélateur connu, et grâce à 3 prises de vue sous 3 filtres dits de sélection, composons une image couleur RVB.

Les étapes du processus :

- test de la Tri-X : étude de la sensibilité et du Delta E enregistrable et du rendu possible avec notre HC 110.
- test de la prise de vue trichrome.
- scan des tests trichromes conformes à nos espérances.
- assemblage des 3 images en une image RVB.
- mise au point d'une moulinette informatique pour créer les masques de correction colorimétrique.
- prise de vue trichrome en vraie grandeur et tirage selon le procédé, comparaison avec une Provia 100F scannée et tirée.
- conclusion.

Test de la Tri-X

Soit de la Tri-X 320 en 8x10 inch et du HC 110, une Sinar P2 8x10, un Apo Ronar de 240 (autant mettre toutes les chances de notre côté pour rester dans une certaine objectivité colorimétrique), et une série de flashs électroniques pour notre studio de test, lumière du jour. Ce process est destiné à la lumière du jour ; les corrections de température de couleurs seront abordées plus tard ; ce type de procédé présente une très grande latitude de T°C et des possibilités de correction à la prise de vue totalement hors norme, et quelques contraintes bien sûr.

Le sujet test est une série de gammes : deux gammes de gris en réflexion Kodak Q-13 20 plages, une charte couleur Kodak Q-13 (pour repérer les sélections) et une charte Gretag-Macbeth, la Digital ColorChecker SG. Pourquoi 2 gammes de gris ? Tout simplement pour un meilleur contrôle du procédé : nous ferons la moyenne des mesures des 2 gammes, afin de contrôler l'aspect développement en cuvette.


Charte : Kodak Q-13 20 plages, une charte de couleur Q-13 (pour repérer les sélections) et une charte Gretag-MacBeth la Digital ColorChecker SG.

Je ne possède pas de sensitographe Type 6 (machine permettant d’exposer des gammes de gris parfaites sur le film à tester) ou autre ; j’ai utilisé une Sinar P2 en 8x10 et un ApoRonar de 240mm, en choisissant le diaf entre F/22 et F/32 ; bien sûr on peut observer que le procédé n'est pas puriste et que le Flare fausse le test (le flare est lumière parasite diffuse qui, par réflexion dans la chambre et l’objectif, réduit le contraste en « débouchant les ombres ») ; mais c'est qu'il ne s'agit pas d’un travail théorique ; nous voulons élaborer un process simple et de qualité : ce travail est destiné aux photographes confrontés à un fournisseur de longue date qui n’a plus rien en rayon et dit à la cantonade : « la Velvia et la Provia en 8x10, faut commander ». Nous examinons la question en 8x10, mais ce procédé est possible dans tous les formats bien sûr.

Le premier travail est d’obtenir les courbes caractéristiques de notre équipe (Tri-X-HC110-Sinar P2-Apo-Ronar) ; votre matériel étant très standard vous pourrez utiliser ces résultats avec lui, pourvu que vous ayez de la Tri-X et du HC110 ; vous pouvez aussi refaire le test avec vos films et révélateurs.

Nous exposons (Nous : j’ai une assistante pour l’occasion qui s’initie ainsi a la sensito et à la trichromie et à la manipulation d’une chambre 8x10... dure semaine pour les stagiaires ;-))
Les Tri-X sont exposés à 400 ISO et à 25 ISO pour avoir une courbe complète ou presque, ses capacités laissant rêveur : souplesse, adaptation du gamma, capacité à encaisser de grand contraste, etc.

12 plans-films de chaque exposition sont insolés puis développés pendant un temps variable de 4 à 15 mn à 20°C avec le HC 110 à 1+31 le temps préconisé par Kodak étant 4mn 45s. Le développement est réalisé à 20°C les 12 plans-films d’un seul coup d’un seul dans une cuvette plate de 24x30 ; agitation par glissement des plans films l’un sur l’autre et par déplacement de la cuvette toutes les 30 s. Pour éviter l’influence de zones éventuelles et autres tracas, le sujet comporte 2 gammes et la densité retenue est la moyenne des 2 gammes plage par plage. Un des intérêts du HC 110 est qu'il est très "gras", comme un vieux Meursault. Cela facilite le glissement des plans-films et réduit le risque de rayure.

 

Des courbes comme s’il en pleuvait :

Les films secs sont lus au densitomètre Macbeth TR 1224 et TR 927, des tableaux sont saisis sous Excel et nous voilà avec un bel ensemble de courbes.

 

 

   

Prise de vue trichrome : test de sensibilité

La méthode d’évaluation est à la louche : bien sûr ces filtres ne comportent aucune indication et aucune référence à la tri-X et ses réactions, ni à aucun autre film ; seule la courbe spectrale est disponible ;-)

Premier raisonnement : la tri-x fait 320 ISO, les filtres de sélection laissent passer 1/3 du spectre, la sensibilité brute à la louche est donc de 100 ISO. Notre posemètre ayant une sensibilité large bande, on pourrait mesurer la pose à travers le filtre s’il y avait correspondance entre la sensibilité spectrale du film et celle du posemètre... comme nous n’avons aucun moyen de vérifier l’une et l’autre, testons notre méthode empirique.

Donc partons pour 100 ISO ; mais mesurons avec notre densitomètre  Macbeth les filtres de sélection choisis (No 25 pour le rouge, No 58 pour le vert et No 47B pour le bleu - ce choix est très standard) :
- Filtre Bleu : R 3,09 ; V 3,71 ; B 0,67
soit un coef de 2 diaf 1/3 dans le bleu (c'est ce qui nous intéresse) donc nouvelle sensibilité sur le canal bleu 20 ISO.
- Filtre Vert : R 1,82 ; V 0,47 ; B 1,41
soit un coef de 1 diaf 1/2 dans le vert (ce qui nous intéresse) donc nouvelle sensibilité sur le canal vert 32 ISO.
Filtre Rouge : R 0,13 ; V 1,60 ; B 2,68 soit un coef de 1/2 diaf dans le rouge (ce qui nous intéresse) donc nouvelle sensibilité sur le canal rouge 64 ISO.

En lisant les densités de nos filtres on voit bien qu'ils sont loin d’être parfaits pour notre usage et que nous allons devoir faire face à un parasitage chromatique plutôt sérieux ; nous y viendrons un peu plus tard.
Un filtre parfait dans le Bleu aurait donné R 4,00 ; V 4,00 ; B 0,10
Ce filtre n’existe pas, il faut faire sans.

Nos trois filtres :
No 25 pour le rouge,
No 58 pour le vert et
No 47B pour le bleu

 

Premier tir avec ces sensibilités à la louche (un certain nombre de facteurs ayant échappé à nos calculs, on le sait : la T°C, le parasitage chromatique, la sensibilité spectrale de notre film, la courbe de transmission de l’optique, et l’âge du Chablis d’hier soir).
La mesure au densitomètre de notre plage de référence, la plage M de la gamme kodak, nous permet de mesurer l’ampleur de nos égarements.

Plage M du Bleu : 0,62
Plage M du Vert : 0,40
Plage M du Rouge : 0,30

Ces plages devraient avoir la même densité, donc un petit calcul sommaire sans tenir compte du Gamma et à la louche nous donne une nouvelle sensibilité par couleur et occasionne un nouveau test...

Nous partons cette fois de :
Bleu : 20 ISO ;
Vert : 20 ISO ;
Rouge : 32 ISO
Evidemment certains vont sourire, la notion d’ISO est sérieusement malmenée lorsqu'on expose des films avec 1/3 du spectre !
Toutefois c’est une échelle que vous connaissez. Mettons que pour l'occasion on pourrait la nommer sensibilité "ISO Non Norme Bien Pour le Calcul"...
en abrégé ISO-NNBPC !    ;-)

Nouveau test donc avec un développement de 8 mn pour les 3 films mesures sur les 3 valeurs clé A, M et B,
M donnant une indication de sensibilité et A-B une mesure de contraste (Delta D) :

Plage A 1,04 M 0,62 B 0,29 du Bleu - A-B = 0,75
Plage A 1,06 M 0,55 B 0,17 du Vert - A-B = 0,89
Plage A 0,91 M 0,49 B 0,15 du Rouge - A-B = 0,76

Dans cette nouvelle sensibilité, le Delta D (A-B) du vert est un peu plus haut que dans les autres couleurs.


prise de vue sous filtre rouge n°25


prise de vue sous filtre vert n°58

 


prise de vue sous filtre bleu n°47B

 

De nos trois films en sélection sous filtre RVB nous pouvons attendre au niveau de la restitution pigmentaire les couches jaune, magenta et cyan :

 

Allons plus loin :
le croisement des informations des courbes caractéristiques générales de la Tri-X et des tests sous filtres peut à présent nous permettre de réaliser 3 tests pour 3 types d’émulsions simulées différentes.
Le but est d'obtenir
pour l'une, un rendu assez fort qui rappelle la Velvia,
pour la deuxième un rendu standard de type Provia 100F
pour la troisième le rendu très doux de l’Autochrome.

3 séries de tests vont nous permettre de caler notre méthode.

 

Scan et assemblage de l’image

Nous sommes toujours sur des gammes et des chartes, et nous avons nos trois images RVB repérées de deuxième génération, pas totalement optimisées. Avant d’aller plus loin, nous préférons tester le process avant de l’affiner ensuite.
Nous réalisons donc 3 scans de nos négatifs : les négatifs sont scannés comme négatifs sur l’Epson 4990 en 600 Dpi 16 bits (c'est d'ailleurs un faux 16 bits avec le 4990, il y en a à peine 12 ! ) avec juste un petit réglage d’histogramme. Les 3 fichiers sont rassemblés en un seul fichier RVB ; on remet les 3 couches en repérage, c’est un peu délicat et il y a sûrement des manœuvres à optimiser, et là, ça y est, on obtient une image RVB brute sans traitement, avec quelques dégâts au niveau de la colorimétrie.
On peut réajuster les histogrammes couleur par couleur, mais le problème reste bien présent.
Voilà la belle image bien ratée qu'on obtient à ce stade : les couleurs sont salies, désaturées. Tout paraît perdu et on pourrait se dire que l'Ekta était finalement plutôt une belle invention...


RVB brut de scan

Traitement colorimétrique

Nous allons gagner là un temps fou par rapport à la méthode traditionnelle, parce que nous avons pris la précaution de photographier une charte
Gretag-MacBeth, la Digital ColorChecker SG. Bien sûr notre système n’est pas numérique, mais il s’en approche, avec ses filtres... sans matrice de Bayer ! Nous allons traiter ce fichier comme s’il sortait d’un boîtier numérique.

Le logiciel nous permet de créer un profil Trichromie.icc que nous attribuons à nos images (Attribuer un profil) avant de choisir ensuite la conversion en
ICE-RGB (Convertir en profil). C'est en effet notre espace de travail actuel (vous pouvez choisir Adobe 98, c’est un choix qui se défend).


RVB profilé : le gain est évident mais pas forcément visible à l'écran)

Dans la pratique, on comprend que le scan et l’ajustement des histogrammes doivent respecter tout le temps la même méthode pour que le résultat final soit cohérent. Il est donc préférable de rester dans un brut de scan où presque et de répéter le même protocole quand il s’agit de vraies photographies.

Suite à une analyse plus détaillée des courbes caractéristiques de notre Tri-X et des 2èmes tests trichromes, nous choisissons de travailler plutôt à développement constant et de faire varier le contraste en faisant glisser notre sujet sur la courbe.

 

Pour 3 contrastes différents voilà nos sensibilités choisies :

Rouge 10 ISO ; 2500 Miliso ; 625 Miliso
Vert 10 ISO ; 2500 Miliso ; 625 Miliso
Bleu 16 ISO; 4000 Miliso ; 1000 Miliso

(Le Miliso valant 1/1000 ISO)

 

Enfin une vraie photographie !

Nous voilà partis chercher des fruits et légumes au supermarché du coin, de sorte de pouvoir construire une nature morte un peu colorée :

Quelques citrons, un poivron, un radis noir (pour le détail dans les ombres) des prunes jaunes (pour les transparences) du fenouil (pour le vert tendre ) des gousses d’ail (pour les hautes lumières).

C'est parti pour un coup de spotmètre (Minolta flasmètre VI) un coup de thermocolorimètre (Minolta évidemment) : imperturbablement à 5200 K... pas si mauvais mes vieux Godard !
Nos ISO spécifiques sont je le rappelle à R-10 ISO ; V-10 ISO ; B-16 ISO
Nous tentons une deuxième série ouverte de 2 diaf pour changer un peu ; nous jouons à présent à l’amateur qui sort sa règle des F/16 modifiée trichromie directe ;-))

Développement 6 mn en cuvette (le temps de 8 mn est un peu fort pour la colorimétrie, donc 6 mn semble plus conforme), toujours HC 110 à 1+31, fixage - lavage - séchage à la pince à linge... l'accessoire qui ne tombe jamais en panne.

Nous passons au scan en 16 Bits sur le nécessaire et suffisant Epson 4990 (attendons de voir !) à 600 Dpi ; le repérage des couleurs se fait au nez, et ce tâtonnement fort sympathique, qui consiste à retrouver les bonnes correspondance sur une vraie image sans gamme, est assez sportif. Des repères sont à trouver.

Assemblage des images dans Photoshop (soit des images nommées R V et B en Gris 16 Bits), calibration de l’histogramme de chaque image, enregistrement de la version corrigée, transformation d’un des fichiers en RVB, et pomme C pomme V pour coller les bonnes couleurs dans les bonnes couches. En cas d'erreur, on recommence jusqu’à ce que l’image ressemble à quelque chose ;-)))
Le positionnement et le repérage des 3 couches est un peu difficile mais avec un peu de patience, le multifenêtrage et le zoom jusqu'à 400 % on y arrive, en en passant par les outils torsion, rotation et déplacement.

Pour le repérage des couches sur un vrai sujet la méthode est la suivante : nos filtres RVB nous forment 3 négatifs qui, une fois scannés, sont des positifs YMC. Trouver qui est qui devient facile : il suffit de deviner la couche Jaune, puis Magenta, puis Cyan, c'est très simple.

Ensuite la méthode de superposition des 3 couches s’affine et l’on en arrive à cela : ouvrir 5 fenêtres à 200 %, l’une sert à visualiser les détails du coin haut gauche et ainsi 3 autres pour les 3 autres coins, la cinquième est réservée a la sélection pour déplacement et correction (au préalable on agrandit la surface de travail, pour que la sélection englobe toute l’image et que les poignées restent accessibles). On utilise les flèches déplacement couche par couche pour un réglage un peu à la louche et ensuite on affine avec l’outil torsion couche par couche, puis l’on valide.

On comprend vite que la perfection demanderait des châssis à repérage et succion et un scan garantissant planéité et géométrie de nos chers plans-films... ce que le 4990 ne permet pas, d’où quelques surprises.

Pas mal de travail donc pour obtenir une image, pas bien belle : du magenta de partout, des couleurs salies.

Mais la magie du profil intervient.
Notre profil icc : Trichromie.icc, avec le menu attribuer un profil, fait merveille. L’image transformée est propre et nette, en un clin d’œil (enfin... une bonne minute sur un fichier RVB 16 bits 40x50 en 300 Dpi et un beau G5 tout neuf).

Nous corrigeons éventuellement un petit reliquat de dominante en mode Lab et nous repassons le tout en ECI-RGB avec convertir en profil ; Nous imprimons sur une imprimante calibrée et nous regardons le résultat.

 

Fort de cette expérience fort gratifiante (au 4ème jour) nous testons les 3 contrastes préétablis plus haut et nous insolons 3 séries de plan films toujours et encore avec des chartes, pour avoir 3 jeux de contraste mais aussi de densité.

Les courbes sont rassemblées, vous les avez déjà vues plus haut, ainsi que les courbes de gamma, qui vous montrent qu’il est plus simple de monter dans le haut de la courbe pour changer de gamma, plutôt que de varier le développement. La courbe de la Tri-X est tellement longue, que l’on peut faire du contraste variable sur le même roll film.

Tout cela nous permet d'établir 3 profils ICC nommé Trichomie X1.icc Trichomie X4.icc Trichomie X16.icc 1-4-16 étant notre échelle de pose. Nous avons ainsi un jeu de profils à utiliser en fonction de la densité du jeu de négatif, ce qui est très pratique.

Des tests ont finalement été pratiqués, pour compléter la courbe, avec des indices d’exposition ISO-NNBPC de 400, 25 et 2. Nous avons fait avec les moyens du bord pour avoir des courbes presque complètes.

Test sur le terrain

Je vous laisse regarder les résultats avant et après profil. Les tirages de travail au format 40x50 ont été faits sur une Epson 4000 calibrée et du papier
EFI gravure proof 4245 semi matt.


RVB brut de scan


RVB profilé : le gain est évident et bien visible à l'écran
 

Discussion : profils ou tradition ?

Ce à quoi nous avons échappé : je vous donne le détail de la procédure pour puristes, c’est à dire sans la moindre trace d’informatique (y compris pour éplucher les données sensitométriques, faites tout papier-crayon ;-)))

Revenons sur nos filtres,

Filtre Bleu : R 3,09 ; V 3,71 ; B 0,67
Filtre Vert : R 1,82 ; V 0,47 ; B 1,41
Filtre Rouge : R 0,13 ; V 1,60 ; B 2,68

Si nous considérons que notre système Tri-X est capable d’enregistrer 10 Diafs, ce que nos tests confirment sans aucun problème, il nous faut corriger les défauts de la séparation sur 10 diafs et considérer que tout ce qui est au-delà ne nous regarde plus.

Pour que notre système fonctionne naturellement il nous faudrait des filtres de séparation de cette nature (10 diafs : D = 3,00) :

Filtre Bleu : R 3,67 ; V 3,67 ; B 0,67
Filtre Vert : R 3,47 ; V 0,47 ; B 3,47
Filtre Rouge : R 0,13 ; V 3,13 ; B 3,13

Si l’on compare avec nos filtres réels, l’on peut calculer (simple soustraction) ce qui nous manque comme « pouvoir de sélection » et donc ce que nous avons en trop sur chacun de nos négatifs, la séparation n’étant pas assez tranchée, nos filtres n’étant pas suffisamment saturés.

Delta E Filtre Bleu : R 0,60; V OK; B OK
Delta E Filtre Vert : R 1,60; V OK; B 2,00
Delta E Filtre Rouge : R OK ; V 1,50; B 0,45

Ce qui veut dire en clair (ou presque) que :

Notre film du Jaune, qui a été sélectionné par notre filtre bleu, reçoit aussi un parasitage Cyan dû à la « perméabilité » du filtre bleu dans le rouge.

Notre film du Magenta, qui a été sélectionné par notre filtre vert, reçoit aussi un parasitage Cyan dû à la « perméabilité » du filtre vert dans le rouge et un parasitage Jaune dû à la « perméabilité » du filtre vert dans le bleu.

Notre film du Cyan, qui a été sélectionné par notre filtre Rouge, reçoit aussi un parasitage Magenta dû à la « perméabilité » du filtre Rouge dans le vert et un parasitage Jaune dû à la « perméabilité » du filtre Rouge dans le bleu.

En gros nos couleurs sont salies, il nous faut faire des masques pour compenser ces défauts et créer des nouveaux négatifs « propres ».

Pour ce faire, il faut soustraire de la densité dans les bons endroits ; le plus simple est de contretyper nos négatifs en positifs (parasités, donc trop denses par endroit), de masquer les positifs avec des masques positifs issus des négatifs de prises de vue pour obtenir des négatifs masqués.

Pour réaliser les 3 masques, il est nécessaire de faire des masques flous pour des questions de repérage et de dessin des contours amélioré. La masking pan Kodak est très adaptée, mais d’autres films conviennent, il suffit de faire les copies par contact, modéré par un support intermédiaire transparent, l’épaisseur du support donnant le flou nécessaire. De plus le contact étant couche contre couche, il se retrouvera sur la dorsale lors de la réalisation des négatifs corrigés, nous aurons donc le flou nécessaire.

Le masque du Jaune (Bleu) se fait avec le négatif du cyan (Rouge)
Le masque du Magenta (Vert) se fait en 2 poses avec les négatifs du cyan (Rouge) et du jaune (Bleu).
Le masque du Cyan (Rouge) se fait en 2 poses avec les négatifs du Magenta (Vert) et du Jaune (Bleu).

Je vous laisse calculer les densités nécessaires et suffisantes pour obtenir le résultat idéal... récapitulons : 3 négatifs de prises de vue, 3 contretypes positifs, 3 masques positifs et enfin 3 négatifs corrigés (obtenus par contact avec le positif brut et le masque associé).

Cette procédure est finalement assez simple, mais demande un suivi sensitométrique de bon aloi, en gros on peut dire que tant que l’on est dans le bon axe tout se passe bien, mais la moindre dérive conduit à une petite catastrophe.

Le système des profils est bien sûr beaucoup plus simple, le logiciel pense pour vous, avec une très grande précision. Pourquoi donc chercher autre chose ?

Comparaison Trichromie directe et Provia 100F.

Suite à ce travail, ou plutôt à ces devoirs de vacances, et devant des résultats prometteurs, nous avons tout doublé en Provia 100F, pour pouvoir comparer les différentes prises de vues studio et de terrain.

Sur le plan artistique, vous êtes assez grands pour apprécier ou pas mes nuages polychromes (dus à leur déplacement entre les prises de vues successives) ; c’est plutôt la technique qui me semble à discuter.

Sur le plan de la finesse, du rendu de détail, la Trichromie directe s’impose sans difficulté, si l’on arrive à un bon repérage. Evidemment, comme nous l’avons vu plus haut, c’est loin d’être simple, le 4990 n’est pas du tout adapté à ce travail !


Provia 100F


Trichromie directe

 


Détail : à gauche la Provia 100F ; à droite la trichromie à la triX

     

Sur le plan de la justesse des couleurs et de la douceur du rendu, la trichromie s’impose sans aucun problème, la Provia parait extrêmement lourde, trop saturée, en tout cas saturée et contrasté à la fois.

Sur le plan de la structure de l’image, le résultat est magnifique, le grain de la Tri-X en couleur est vraiment très intéressant à explorer.


Blandy - Provia 100F


Blandy - Trichromie


Nature morte - Provia 100F


Nature morte - Trichromie
Cette photographie et la suivante ont été exposées avec 2 diaphragmes d'écart (pas 1/3 de diaf, 2 diaf !), soit la pose dite "normale" pour l'une :
R 10 ISO-NNBPC ; V 10 ISO-NNBPC ; B 16 ISO-NNBPC
et pour l'autre :
R 2,5 ISO-NNBPC ; V 2,5 ISO-NNBPC ; B 4 ISO-NNBPC.
Nous ne sommes pas sûr que vous puissiez deviner qui est qui... c'est la surprise ;-))




L'écart de pose est important : 2 diafs ce n'est pas rien. Cet écart nous permet de placer notre sujet plus haut dans la courbe et de changer le gamma (voir courbe du gamma plus haut).
Mais le profil s'oppose un peu à cette méthode en corrigeant les défauts de séparation... mais aussi de contraste. On est donc sur-corrigé et il y a une parade à trouver.

 


Provia 100F


Trichromie

Sur le plan de la justesse des couleurs et de la douceur du rendu, la trichromie s'impose sans aucun problème ; la Provia paraît extrêmement lourde dans le cas de la nature morte, et trop saturée... en tous cas saturée et contrastée à la fois.

Sur le plan de la structure de l'image, le grain de la Tri-X en couleur est magnifique, et vraiment très intéressant à explorer.

Conclusions provisoires

Le but d’avoir des types de films variables (Velvia-Provia-autochrome) n’est que partiellement atteint, le profil ICC corrigeant en partie le gamma et les densités. On sent bien toutefois une certaine douceur dans les vues paysages, la Trichromie est plus douce que la Provia.

Il serait sans aucun doute nécessaire d’utiliser plusieurs séries de profils en fonction des situations de prises de vue. Ce sera fait dans le courant 2006 ; nous comptons bien continuer notre petit travail, et les profils seront à disposition de ceux que cela intéresse, ainsi que le dossier sur CD-R pour voir les images en vraie grandeur.

Le résultat « nature morte », est d'un très haut niveau de saturation en restant très doux, ce qui est très encourageant ; les prises de vues paysages sont intéressantes, mais il faut aimer les nuages polychromes ;-)))

Pour aller plus loin, un nouveau scan semble indispensable, un travail sur le grain s’impose ; il faut créer si possible des profils de terrain, creuser un peu mieux la trichromie à contraste variable en canalisant un peu mieux le profil... c’est une histoire qui commence !
Le procédé est un peu plus compliqué que l’ekta, mais il donne toute liberté, notamment au niveau de la souplesse de pose et du delta E enregistrable.

 

Avant de vous dire que nous allons continuer d'expérimenter dans ce sens, nous remercions notre stagiaire Morgane, qui a supporté pendant une semaine, assez déroutée les premiers jours, cette technique de fou et le fou qui va avec, tout en découvrant les gammes de gris, le densito et les courbes. Ce décryptage de la reproduction des couleurs lui a permis de comprendre en vraie grandeur les système additif et soustractif, que l’on devrait plutôt nommer photonique et pigmentaire... mais laissons cela aux physiciens !

Le mécanisme de la reproduction des couleurs est assez compliqué et nous espérons que ce topo vous donnera envie de le connaitre dans l’expérimentation.

Nous résumons les projets en cours :

Trichromie directe en rollfilm pour agrandissement X10 et voir le fameux grain. Tirage avec des vrais procédés pigmentaires, gomme, charbon.
Mise au point d’un protocole de film à contraste variable, un zone système en couleur et à la française.

 

Henri Gaud – Aout/septembre 2005

 

dernière modification de cet article : 2005

 

 

 

 

tous les textes sont publiés sous l'entière responsabilité de leurs auteurs
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