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l'auteur

Marc Gourmelon

né en 1968 à Landerneau

Formation
1995-98 E.N.S.P.
(École Nationale Supérieure
de la Photographie) - Arles
1991-95 U.T.M.
(Université Toulouse le Mirail)
Maîtrise de Psychologie Clinique

Photographie
juin 2005 Parution du livre
Ces bruits du monde extérieur
en collaboration avec Charles Juliet
aux Éditions Sabar à Montpellier

Chez SABAR également
un nouveau livre d’artiste
avec texte de
Pierre Bergounioux
en 2009 intitulé
« Attention au départ »

Blog personnel : Eclats

 

 

 

 

 

 

Marc GOURMELON

 

 

 

Marc, pourquoi ces photographies centrées ?

Ces photographies semblent mettre en évidence une volonté de faire image sous les espèces d’une tradition, celle de la photographie documentaire, plus exactement, cet emploi de la frontalité / centralité s’est imposé à moi : ce sont les objets qui dans leurs épiphanies m’ont “dicté” cette manière. “L’art n’est jamais un document mais il peut en adopter le style” écrivait Walker Evans. Cet ensemble de photographies n’est évidemment pas documentaire. Et puis, la meilleure visibilité d’un sujet ne se fait pas par des vues frontales. Certains sujets auraient pu aussi être des amorces de séries typologiques mais ce n’était pas le propos : les séries de Bernd et Hilla Becher m’ennuient…

Le projet était aussi celui d’une photographie archaïque : celui d’atteindre un degré zéro de la composition. Qui peut paradoxalement se lire ici comme une hyper-composition : impossible donc d’échapper à une mise en forme quelle qu’elle soit… J’ai en tout cas évité une composition travaillée, l’important était d’obtenir quelque chose de brut plutôt de l’ordre de la présentation que de la représentation. L’attitude que j’ai adopté était un face à face avec ces objets projetés sur la croix centrale du dépoli de la chambre, j’ai essayé d’aller au plus simple.

 

 

 

Portes ouvertes sur l'obscurité, centralité, indifférence et éloignement des sujets, on a presque l'impression d'un propos mystique. C'est une sorte de portrait de Dieu que vous tentez ?

Pour qu’il y ait mystique, étymologiquement, il faut qu’il y ait du mystère…

Cette part d’obscurité est probablement inhérente à la photographie sans pour autant avoir recours à des artefacts appuyant cet invisible, comme l’usage du flou ou un décalage de l’exposition.

Si, de toutes les façons, la photographie est un fragment, par la composition centrée, j’ai voulu embrasser une totalité, de faire des “mondes” où les choses seraient souveraines, campées, hiératiques. D’autre part, ces petits mondes, je les ai parfois trouvés voilés ou troués d’obscurité, signe probablement de la vanité du tout visible ou du tout savoir.

 

 

 

 

Il me semble qu’il faut faire cet effort de clarté pour lire le visible en sachant qu’il y a cette part insaisissable de nuit, de vacance malgré une contrainte formelle rigoureuse, une certaine distance, et tout ce que suppose l’usage d’une chambre : une certaine ritualisation et une solennité du geste photographique.

Arnaud Claass m’a dit un jour : “la frontalité, c’est l’éternité”. Cette manière d’avoir à faire avec l’espace avait pour conséquence de définir une temporalité ou plutôt une intemporalité. En effet, ces images m’ont fait l’effet dans l’après-coup d’être hors du temps, car je suis aussi un spectateur - le premier - de mes propres photographies. Le regard de l’autre me révèle aussi des aspects auxquels je n’aurais pas pensé.

 

 

 

Comment choisissez-vous vos sujets ?

L’apparition en tant qu’image potentielle de ces lieux s’est faite par leur familiarité - soudain, ce que l’on voit quotidiennement se propose comme image dans un projet préexistant - parfois aussi par leur découverte dans le paysage à l’occasion d’un trajet en automobile ou lors d’un voyage plus lointain. La démarche n’en est pas vraiment une au sens systématique mais plutôt une sorte de regard flottant travaillé, motivé en “tâche de fond” par ce projet. La prise de vue se faisait parfois des semaines voire des mois plus tard ; après la formation d’une image mentale.

Je fais mienne la phrase de Léonard de Vinci : "la pittura è cosa mentale". Ce qui généralement déterminait le moment de la prise de vue, c’était la qualité de la lumière, en l’occurrence, une lumière diffuse.

 

L'idée que les choses puissent être désertées et inaccessibles
vous intéresse-t-elle ?

Ces "choses" sont des îlots séparés du reste du monde, certaines images proviennent d'endroits insulaires ; île et isolé partagent d’ailleurs la même étymologie. Ces endroits désertés sont pourtant à taille humaine ; peut-être en attente d’être à nouveau habités.

Dans des travaux précédents, j’avais photographié des intérieurs d’édifices vides en transition entre un usage privé et un usage public. La désertion de ces lieux est pour moi nécessaire pour rendre les choses à elles-mêmes, à un en-soi qu’on pourrait qualifier de sartrien sans pour autant qu’il soit imprégné du sentiment de déréliction que l’on trouve dans La Nausée. Leur inaccessibilité tient parfois au fait de leur hostilité, ou de leur position opposée dans le temps de la vie humaine : la cabane s’oppose au tombeau. Certains endroits ou objets font aussi office de réserve pour un hypothétique besoin, d’autres sont des antres aux portes entre-ouvertes. Tous sont hors du champ social car ils sont pour la plupart inutiles, rendus à leur solitude et leur silence.

 

 

 

Marc, comment êtes-vous venu à la photographie ?

Je me souviens de mes première photographies : en 1984, équipé de mon premier réflex un Olympus, j'embarquai à Roscoff pour Cork, je pris mes premières photographies lors de ce périple en Irlande - j'avais seize ans ; les 36 vues du Kodak Ektachrome faites, je me rappelle de ma manœuvre de rembobinage, le dos ouvert, moulinant consciencieusement en plein soleil… Je confiais avec tout de même un léger doute ce précieux film au photographe du coin. Mes premières images photographiques furent donc invisibles.

Je suis venu à la photographie par le tirage, une rapide initiation au photo-club local et une totale disponibilité en 1992 me permit de passer des mois dans ce labo associatif ; l'acquisition d'un Rolleiflex très rapidement me permis de mesurer le bond qualitatif du passage du 24x36 au 6x6.

Mes "vraies" photographies datent de 1993 quand mon ami Claude Belime me sollicita pour faire ensemble le portrait de la communauté gitane de Perpignan. Mon cursus universitaire ne me satisfaisait pas et j' appris qu'il existait en France une école de photographie qui outre l'enseignement de la photo ouvrait à d’autres domaines, je m'inscrivis donc au concours de l' ENSP, la fleur au fusil selon l'expression consacrée… Ces trois années ne peuvent se résumer facilement. Il y a dix ans, les parcours des élèves de l'école étaient assez disparates, cela créait des rencontres atypiques et riches. C’était en tout cas une formidable aventure humaine.

 

 

 

Vous faites exclusivement du noir et blanc ?

Actuellement, pour ma production personnelle, oui, parce que je préfère maîtriser le processus de bout en bout. Le travail de laboratoire est une part importante de mon activité - d’abord pour le plaisir qu’il procure, et aussi parce qu’un tirage, cela tient à presque rien, le noir et blanc m'intéresse toujours par sa subtilité sans forcément en faire des tirages “fine art” ou du pictorialisme contemporain.

Noir ou couleur sont des moyens pour servir un projet et je n’ai pas d’exclusives, j'ai beaucoup pratiqué la couleur à l'ENSP et il n’est pas dit que je ne recommencerai pas, probablement en tout numérique, ce qui revient finalement à faire un autre métier…

 

 

Quel matériel utilisez-vous ?

Je travaille avec une Linhof Technika avec la plupart du temps deux optiques : un 90mm et un 180 mm. Quand je pouvais employer du 55 PN, je l'emportais, exposais pour le négatif, malgré sa fragilité et tout ce que comporte d'inconvénients de traiter ce film sur place. Ce film a un rendu assez inimitable, il a maintenant disparu. Cela dit, j’ai aussi utilisé du film conventionnel quand l’emploi du Polaroid s’avérait impossible. Les tirages ont été faits par contact, c’est comme cela que ces images “marchent”.

 

 

Y a-t-il des photographes envers lesquels vous vous sentez une dette ?

C'est d’abord à l’égard d’écrivains que j’ai le sentiment d’être redevable : Joseph Conrad, Julien Gracq, Pierre Michon. Parmi les photographes, je me sens de la famille d' Eugène Atget, Walker Evans, mais aussi de Josef Sudek, R. E. Meatyard, Frederick Sommer. Beaucoup d’œuvres de photographes d’aujourd’hui m’intéressent, je pense en premier lieu à Nicholas Nixon, Hiroshi Sugimoto et Éric Poitevin.

 

 

 

dernière modification de cet article : 2008

 

 

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