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l'auteur

Jean-Michel Leligny

Reporter-Photographe
photographe de formation
(Louis Lumière)

www.leligny.fr
 jimel.perso.sfr.fr
 jm@leligny.fr
 


"L’espace d’un été, je suis devenu photographe voyageur et cycliste, à la rencontre de ce que j’appelle la « France par le milieu », celle qu’on ne voit jamais sur les magazines, ou à la télé, loin des cartes postales et des clichés. Mon périple à bicyclette m’a mené de Dunkerque jusqu’au col de Pal à la frontière espagnole, le long de cette ligne imaginaire qu’est le méridien de Paris, devenu en l’an 2000, méridienne verte. Je suis ainsi parti en quête de paysages anodins et de rencontres, associant texte et photographies sous forme d'un constat. J’ai voulu mes photographies simples, sans recherche esthétique particulière, privilégiant la vérité de l’instant et des rencontres."
(lire la suite de la présentation)

Ces images sont extraites d'un travail comprenant plus de 200 photographies issues de ce voyage.

 

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Merci à Georges Laloire
pour sa relecture attentive

 

 

Jean-Michel LELIGNY : 2°20' -
Journal (semaine 2) - Paris - Crézençay

Jean-Michel Leligny

 

Cela faisait plus de deux ans que je pensais à ce voyage, mais quand je suis parti, je ne savais pas du tout ce que j’allais photographier. D’habitude, les reportages sont préparés, réfléchis. On sait ce que l’on va trouver, et ce que l’on va chercher. Là, je n’ai volontairement rien préparé. Et la question est arrivée : je vais photographier quoi ? La route ? Les champs ? les villes ? les gens ? le vide ?

Je suis parti pour me donner un grand coup de frais à l’esprit, nettoyer mon regard, sans à priori, tout du moins je l’espère.

Ma plus grande préoccupation avant le départ a été le chargement de mon vélo. N’emporter que le strict indispensable. Mais c’est quoi l’indispensable ? Pendant deux jours, j’ai fait et refait mon sac à la recherche du strict indispensable que je n’ai toujours pas trouvé. Avant de refermer la porte, comme pris de panique, j’ai remis à la hâte deux livres dans mes sacoches : L’ère du vide de Gilles Lipovetsky, sans doute pour combler la peur du mien, et la France par les petits bouts, de Jean-Michel Dagory. C’est le livre qui m’a donné l’envie de ce voyage…

 

mercredi 3 aout 2011, Orly, 2° 18' 65, 48° 43' 04, Alt 85m

Lorsque l'on voyage en vélo, on a plutôt les yeux rivés vers le bitume, à la recherche des trous, des plaques d'égout, ou de tout autre obstacle qui, d'apparence anodine, peut vous pourrir votre voyage, vous faire crever, ou pire chuter. Pour une fois, j'ai levé la tête, regardé les avions, et j'ai vu des milliers d'oiseaux. Ce que je sais désormais, c'est que moi je suis sous ces barbelés, et eux au-dessus...

 

La Ferté-Allais - 2°21’32 , 48°29’88, Alt 93m

Sophie a d’abord vérifié qu’il n’y avait personne sur le banc. Puis elle a entrepris de gravir la côte qui longe la sablière. Elle aime à venir ici le soir après sa journée de travail au Bricomarché, accompagnée de son chien Falkor, du nom du doux dragon qui vole au secours de Bastien dans le dessin animé « l’histoire sans fin ». Un moment de silence, de pose, où l’esprit vagabonde librement.

 

Jeudi 4 août, Nancray-sur-Rimarde - 2°20’05, 48°04’42, Alt 106m

La pluie semble vouloir m’accompagner tout au long du voyage. L’eau s’infiltre partout, s’insinue, comme un doute. Celle de cette photo. La France par le milieu, c’est aussi ça. Un poteau en bord de route, au milieu de nulle-part. On se demande soudain pourquoi on est là, pourquoi on a tant envie de faire cette photo si anodine, pourquoi cela devient soudain une nécessité impérieuse.

 

Vendredi 5 août, Sury-aux-bois - 2°20’62, 47°57’23 Alt 120m

Il y des rencontres qui vous illuminent une journée malgré la pluie qui ne cesse jamais. Je m’étais avancé dans un champ pour prendre en photo d’énormes tas de bois, quand un chien m’est arrivé droit dessus. J’ai mis le pied photo entre lui et moi. Une barrière précaire, mais une barrière tout de même. Puis une voix est venue de la lisière du bois. Le chien est reparti vers la voix, et je me suis rapproché. Un bric-à-brac avec des caravanes. Medhy a élu domicile dans son coin de forêt, plus exactement dans les 1,2 ha qu’il a acquis. Il vit ici, au milieu des poules et des canards, des mares qu’il a creusées ou nettoyées. Au-dessus de son campement, flotte deux drapeaux : celui de la flibuste et l’étoilé de l’Europe. Un curieux rapprochement. Pourtant Medhi n’a rien d’un révolté. Il travaille dans une entreprise. Il veut juste vivre au milieu de la nature. Il ne veut pas qu’on le force à vivre dans un pavillon, comme tout le monde. C’est son choix, et ses parents qui sont invités au barbecue approuvent. Même si les drapeaux ont refusé de flotter au vent pour la photo, cela me remplit de plaisir.

 

Samedi 6 Août, Villemurlin – 2°21’97, 47°42’09, Alt 138m

Aujourd’hui j’ai passé la Loire à Sully. Mais le soleil n’était pas de l’autre côté. Hervé s’apprêtait à partir sur son tracteur quand je suis passé devant sa ferme. J’ai soudain fait demi-tour, je suis rentré, et je lui ai fait de grands signes. Il a stoppé le moteur et est descendu. Il n’a pas tardé pas à me raconter sa vie, son métier, ses difficultés, le prix de la viande qui baisse chaque année, pour laisser aux agriculteurs des marges de plus en plus ténues. « La campagne se meurt dans l’indifférence générale ». Lui résiste tant bien que mal avec son élevage de charolais qu’il est fier de nourrir sans OGM. Il voulait faire la photo devant sa ferme, je l’ai préféré ainsi.

 

Dimanche 7 Août, L’Angélus - 2°21 96, 47°21’51, Alt 229m

« Tel est le véritable défi que relève notre Angélus : devenir un lieu de sanctification qui formera une élite spirituelle et intellectuelle pour la Gloire de Dieu. » Extrait du site internet de l’institution de l’Angélus fondée en 2010. De l’autre côté de la route, il y avait une école qui semblait abandonnée, et de ce côté, des buts de foot avait été dressés au bord du champ.

 

Lundi 8 Août, Aire de la Vallée de la Yèvre - 2°20’43, 47°05’67, Alt 134m

Traverser les villes en vélo n’est pas une sinécure. Les pistes cyclables sont faites en dépit du bon sens et souvent dangereuses. Elles s’arrêtent aussi brutalement qu’elles commencent. C’est souvent la bonne conscience à bon marché. Un pot de peinture verte et quelques kilomètres de vertu écologique au bilan de la municipalité. Je me retrouve ainsi sur la voie express qui contourne Bourges, sans autre alternative, quand je vois soudain ces deux personnes attablées de bon matin au milieu de ce qui pourrait ressembler à la nature.

 

Mardi 9 Août, Crézençay-sur-Cher – 2°19’69, 46°49’45, Alt 143m

Je me suis arrêté pour regarder le jeune homme avec son pulvérisateur dans le dos désherber la cour d’une ferme. Je voulais faire une photo, mais je ne savais pas comment. Je suis reparti et j’ai alors vu ces deux énormes silos et un homme plus âgé qui en revenait. C’était le père et le fils, Pascal et Thibault, agriculteurs en GAEC. Avec les deux frères de Pascal, ils exploitent 450 hectares. « Le plus dur » me disent-ils, « c’est de trouver de la terre, de la terre qui soit bonne ». Car pour survivre dans ce métier, il faut plus, toujours plus… Pour la photo, Thibault n’a pas voulu garder son pulvérisateur… « Le pulvérisateur, ce n’est pas très bien vu ! »

 

 

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dernière modification de cet article : 2011

 

 

 

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