Sigma fpL et netteté
Une stratégie pour
la photographie de paysage
par Henri PEYRE
Introduction
Si la petite taille du Sigma fpL invite à l'emmener
en promenade, la grande densité de pixels sur son capteur de 60mpx
n'en fait pas un appareil commode... Obtenir des images nettes n'est
pas donné d'avance. Quelle est la meilleure stratégie pour avoir une
bonne netteté avec cet appareil ?
Nous réaliserons dans cet article des tests avec,
fixé à une monture adaptatrice Leica M vers L, un objectif Leica
Summliux de 50mm ouvrant f1:1.4, objectif ancien mais d'excellente
qualité (voir article
www.galerie-photo.com/sigma-fpl-test.html dont cet article est
le prolongement... nécessaire, on verra pourquoi !)
Rappel des premiers retours
Quelques premiers tests terrain sur le Sigma fpL sont consultables
ici.
Le capteur de 60mpx nécessite au départ une mise
au point pas commode, parce qu'en augmentant la densité du capteur, à
format de capteur égal, on diminue la profondeur de champ de façon
importante, pour un diaphragme donné.
Une photographie lente, sur pied, s'impose donc
assez naturellement, et, dans l'article cité, on avait réalisé
quelques photographies de cette sorte.
Toutefois on peut se poser la question de savoir s'il est possible
malgré tout de partir sans le pied, par exemple pour vouloir
continuer de faire de belles photographies tandis qu'on est en
promenade dans le cadre familial.
Nous nous demandons ici quel résultat on peut
obtenir si on se fixe un diaphragme assurant une bonne
profondeur de champ (entre f/8 et f/11) et qu'on passe les ISO en
automatique, en gardant une vitesse susceptible de nous donner des
photographies à peu près toujours nettes. Quel résultat pourra-t-on
alors envisager avec le Sigma fpL et un
vieil objectif Leica Summilux de 50mm ? A quelles conditions ?
Mode opératoire
Nous avons pris plusieurs vues successives sur
pied pour tester les résultats que l'on peut attendre, en matière de
netteté, dans ce froid petit matin de décembre, en évitant les aléas
dus aux tremblements du photographe.
Bien entendu, le meilleur résultat a été obtenu à
100 ISO sur pied, mais nous évaluons dans la suite ce que nous
pouvons obtenir à différentes sensibilités.
Voici cette image, en jpg meilleur qualité, et en
300ppp :
Cliquez sur l'image pour la voir en taille réelle
Pour ce test, les images ont été développées par
le développement DNG intégré à l'appareil, appelé par le Menu en
mode Lecture d'image :
le développement DNG intégré au Sigma fpL, bien pratique pour faire
"coller" son image aux impressions sur scène...
On a relevé un peu les basses lumières
et diminué les hautes en réalisant une courbe en S :
On accède à la modification de la courbe par le deuxième menu de la
deuxième ligne de cet écran...
Le réglage se fait en manuel pour les basses lumières (shadow) et
les hautes (Highlight). On voit la courbe en S se dessiner au fur et
à mesure du choix des coefficients, et on peut surveiller que le
paysage à l'écran se rapproche du paysage perçu sur le terrain...
pratique et bien agréable !
En fin de traitement, la dernière
icône permet de réaliser la conversion, qui laisse intacte le DNG
d'origine en créant un nouveau JPG corrigé, en plus, sur la carte :
L'icône de fin de traitement sur l'écran du Sigma fpL.
Nous avons ainsi pris une série de
photographies du même paysage en quelques instants. Vous retrouverez
les noms des fichiers dans les images de cet article. Voici à
quoi ils correspondent :
SDI0255 : Sigma fpL - objectif Leica
Summilux f 1 :1.4/50
Adaptateur Leica M – Adapter L
mise au point manuelle à l’infini sur la bague de l’objectif
prise de vue au 1/50e appareil sur pied –
sensibilité 100 ISO - diaf entre f/8 et
f/11
SDI0256 : Sigma fpL - objectif Leica Summilux f 1 :1.4/50
Adaptateur Leica M – Adapter L
mise au point sur ce détail de l’image par mise au point
manuelle sur l’objectif en contrôlant la netteté par système de mise
au point Sigma
(pression unique sur le bouton arrière à l’intérieur de la mollette
faisant appareil le détail visé agrandi)
prise de vue au 1/50e appareil sur pied –
sensibilité 100 ISO - diaf entre f/8 et
f/11
SDI0257 : Sigma fpL - objectif Leica Summilux f 1 :1.4/50
Adaptateur Leica M – Adapter L
mise au point sur ce détail de l’image par mise au point manuelle
sur l’objectif en contrôlant la netteté par système de mise au point
Sigma
(pression unique sur le bouton arrière à l’intérieur de la mollette
faisant appareil le détail visé agrandi)
prise de vue au 1/100e appareil sur pied – sensibilité 200
ISO - diaf entre f/8 et f/11
SDI0258 : Sigma fpL - objectif Leica Summilux f 1 :1.4/50
Adaptateur Leica M – Adapter L
mise au point sur ce détail de l’image par mise au point manuelle
sur l’objectif en contrôlant la netteté par système de mise au point
Sigma
(pression unique sur le bouton arrière à l’intérieur de la mollette
faisant appareil le détail visé agrandi)
prise de vue au 1/200e appareil sur pied – sensibilité 400
ISO - diaf entre f/8 et f/11
SDI0259 : Sigma fpL - objectif Leica Summilux f 1 :1.4/50
Adaptateur Leica M – Adapter L
mise au point sur ce détail de l’image par mise au point manuelle
sur l’objectif en contrôlant la netteté par système de mise au point
Sigma
(pression unique sur le bouton arrière à l’intérieur de la mollette
faisant appareil le détail visé agrandi)
prise de vue au 1/400e appareil sur pied – sensibilité 800
ISO - diaf entre f/8 et f/11
Résultats
Les images utilisées dans les comparaisons
ci-dessous ont une résolution de 300ppp.
Les images sont affichées en taille d’impression sur un écran en
72ppp, et grossies avec 4 coups de loupe sur Photoshop.
Elles correspondent lorsqu'on les ouvre en taille réelle dans cet
article à la netteté perçue sur un tirage papier de très bonne
résolution à la taille maximale d’impression (cliquer sur les images
pour voir le résultat en taille réelle)
Comparaison :
Mise au point sur l'infini de l'objectif à gauche
Mise au point manuelle avec système de mise au point sur écran Sigma
à droite.
Première conclusion étourdissante : incroyable ! J'ai un objectif de
chez Leica, J'ai bien acheté la bague d'adaptation Leica sur Sigma
fpL et pas une bague moins onéreuse, j'ai un Sigma fpL tout neuf
mais le résultat est là : la calibration de distance à l'infini
laisse énormément à désirer... lequel des trois éléments est-il à
incriminer ?
Conclusion absolue et définitive, sans chercher le coupable pour
l'instant : il faut se servir de la mise au point assistée
par l'écran de chez Sigma pour obtenir la netteté désirée et cesser
de faire confiance à ce qui est mécanique.
Dans la suite, on laisse tomber complètement les indications de la
bague de mise au point de l'objectif et on monte dans les ISO.
Comparaison 100 ISO à gauche contre 200 ISO à droite
Conclusion : il n'y a à peu près pas de différence du point de vue
de la netteté. Se servir du Sigma fpL à 100 ISO ou 200 ISO est égal
à cet aspect. Donc, pour avoir de la latitude en vitesse, on
choisira 200 ISO plutôt que 100 ISO.
Comparaison 400 ISO à gauche contre 200 ISO à droite
A 400 ISO, on ne remarque pas de dégradation énorme par rapport à
200 ISO. La sensibilité 400 ISO reste utilisable quand les
contraintes de lumière s'accroissent.
(Notre image à
400 ISO)
Comparaison 800 ISO (à gauche) contre 400 ISO (à droite)
Des détails commencent à s'effacer nettement : on distinguait ainsi
encore des fils électriques sous le lampadaire du fond à 400 ISO à
droite. Ces fils ont presque disparu sur l'image à 800 ISO à gauche.
On n'utilisera 800 ISO que si on ne peut vraiment pas faire
autrement, et on n'ira pas au-delà !
Comparaison 100 ISO contre 400 ISO
Pour en avoir le cœur net, nous
juxtaposons le même détail à 100 ISO à gauche et à 400 ISO à droite.
On voit qu'utiliser 100 ISO ou 400 ISO donne des images de
bonne qualité ; certes, l'image obtenue à 400 ISO
n'est pas tout à fait aussi bonne que
celles obtenue à 100 ISO mais pas loin.
Mauvaise nouvelle...
Il y a là une mauvaise nouvelle :
notre image de droite SDI 0258, faite à 400 ISO avec le diaf
entre f/8 et f/11, a été prise au 1/200e de seconde ; or, à cette
vitesse, je n'obtiens personnellement une photographie nette qu'une
fois sur quatre. Vous pouvez vous-même faire une expérience qui
consiste à photographier quelques caractères affichés en noir sur un
traitement de texte à fond blanc sur l'écran de votre ordinateur, en faisant successivement des
photographies à différentes vitesses, et en vous crispant plus ou
moins sur les poses avec votre Sigma fpL et son capteur de 60mpx. Si
vous êtes comme moi, vous ne serez net de façon régulière, et en
vous appliquant, qu'au 1/500ème de seconde.
Or notre petit test du matin nous a
montré qu'en lumière un peu faible on ne passe pas la photo nette
sans pied à 400 ISO avec le diaf entre f/8 et f/11, puisqu'on en est
obligé d'exposer encore au 1/200ème de seconde.
A 800 ISO, avec une détérioration de l'image juste supportable pour
un agrandissement important, on serait au 1/400ème de seconde...
encore en-dessous donc du 1/500ème de seconde nécessaire pour être
vraiment net à chaque coup.
Conclusion
Du très court comparatif qui précède,
on déduira aisément que, si on veut faire les meilleures images
possible avec le Sigma fpL sur un sujet de paysage, avec notre
Summiliux 50mm
- le mieux est de prendre un
pied, et de travailler à 100 ISO ou 200 ISO
avec le diaf entre f/8 et f/11 en
faisant la mise au point impérativement, pour
éviter tout défaut de calibration de distance, en s'aidant
du bouton du Sigma fpL au centre de la mollette arrière.
(Notre image à
100 ISO)
Extrait du mode d'emploi du sigma fpL : une pression sur le bouton
32 donne un agrandissement au pixel de l'image.
- si on n'a pas de pied
avec soi, on fixera le diaf entre f/8 et f/11,
la vitesse de prise de vue au 1/500e de seconde
et
on laissera les ISO en automatique en leur laissant la
possibilité de varier jusqu'à 400 ISO (éventuellement, avec
regret, jusqu'à 800 ISO mais jamais plus). Et bien entendu, pour
éviter tout défaut de calibration de distance, pour la mise
au point on s'aidera
du bouton du Sigma fpL au centre de la mollette arrière.
Il ne faudra pas s'étonner dès lors de ne pouvoir faire de bonnes
photographies très nettes à mainlevée le matin de bonne heure ou le soir lorsque
la lumière est un peu déclinante, lorsqu'on a besoin d'une forte
profondeur de champ. Il faudra penser qu'avec notre
objectif Leica Summilux 50mm il nous manque, en photographie de
paysage, au moins deux diafs pour travailler à 400 ISO sans pied
avec des succès réguliers.
En faible lumière il restera malgré tout la possibilité de
faire des sujets à faible profondeur de champ en ouvrant le
diaphragme, mais en maintenant la vitesse au 1/500ème de seconde,
ce qui laisse heureusement malgré tout encore de belles possibilités
créatives, en jouant le net contre le flou... des nets et des flous
volontaires cette fois !
Ce n'est donc pas un hasard si de
nombreux constructeurs communiquent aujourd'hui sur la
stabilisation du boîtier et des objectifs. Sur le Sigma fpL le
capteur n'est pas stabilisé. On peut porter un grand nombre
d'objectifs anciens sur cet appareil, comme mon Leica Summilux de
50mm, mais il faut alors souvent utiliser le pied, puisque ces objectifs
anciens ne présentent pas de stabilisateur intégré.
En paysage, on
obtient avec ce
dernier objectif et le Sigma fpL un appareil vraiment compact...
mais qui exige, comme le bon vieux capteur fovéon du Dp2 Merrill,
une bonne lumière pour bien fonctionner à main levée. Pour le paysage en
promenade, cela fonctionne à peu près, puisqu'on a tendance à sortir
quand il fait beau... mais en lumière difficile, le pied est tout de
suite obligatoire, à moins d'utiliser un objectif moderne bien
stabilisé qui permettrait de grignoter les 2 diafs qui manquent pour
sortir en promeneur sans pied... mais un tour des
optiques stabilisées du marché entre 40 et 50mm, convainc rapidement que l'encombrement et le poids
des objectifs stabilisés viendraient bien rapidement
gâter la satisfaction qu'il y aurait de ne pas emporter son pied en
prise de vue au prétexte de rester léger.
Dernier point. Si vous n'êtes pas
l'heureux propriétaire d'un Leica Summilux de 50mm vous pouvez vous
intéresser au
45mm DG DN Contemporary F2.8.
Vous y gagnerez en poids pour la promenade : cet objectif pèse en
effet 215 g au lieu de 400 g pour l'ensemble Summilux 50mm + bague
d'adaptation Leica.
En encombrement le 45mm DGDN fait 64,0 mm de diamètre et 46,2 mm de
long là ou le Summilux fait 60 cm de diamètre (sur la bague
d'adaptation) et 50 mm au-delà pour 57 cm de long (hors parasoleil ou
filtre UV). L'impression d'encombrement est donc comparable.
Vous y gagnerez une mise au point automatique.
Vous y gagnerez un peu en focale en obtenant un cadrage un soupçon
plus large, plus agréable que le 50 mm en paysage.
Vous gagnerez, sur une optique déjà très homogène, la correction
logicielle que propose Sigma sur ses optiques (si les couleurs
seront probablement un peu moins justes que celles obtenues avec
notre Summicron, les bords de l'image présenteront probablement des
détails moins déformés que sur le Leica... je n'ai pas fait le test).
Toutefois vous ne gagnerez absolument rien sur la netteté : le 45mm DG DN
n'est en effet pas stabilisé lui non plus et toute la discussion
et les conclusions présentées dans
cet article restent valables.
Je termine cette conclusion,
maintenant que j'ai quelques jours de pratique en tant que promeneur
avec cet appareil en rapportant que j'ai fini par prérégler 3 modes
de prise de vue sur mon Sigma fpL :
- en C1, j'ai stocké un premier mode à exposition personnalisée
bloquée au 1/500e, avec les ISO auto pouvant parcourir une plage
allant de 100 ISO à 25000 ISO. Il m'a semblé que c'était le bon
réglage pour une promenade à pied quand ou souhaitait faire des
photographies sans bougé dans toutes les conditions, même les pires.
Il y a certes une dégradation de l'image quand on monte haut en
sensibilité, mais je trouve que cette dégradation est relativement
belle en ce sens que le grain obtenu me semble assez pictural, et
peut convenir si on veut faire des photographies de paysage qui se
rapproche d'un effet peinture. Bien sûr, en très haute sensibilité à
25000 ISO on a vraiment des phénomènes moins agréables, avec du
bruit en lignes : cela se produit dans des intérieurs sombres ;
mais, tant qu'on reste à l'extérieur, quel que soit le temps, le
résultat reste très agréable : bien sûr on perd en résolution, mais
tout se passe comme si on gagnait en texture...
- en C2 j'ai choisi de mémoriser une priorité à l'ouverture avec les
ISO réglés en fixe à 200 ISO pour obtenir l'image la plus fine
possible.
Ce choix convient parfaitement au travail au pied sur des sujets
immobiles ou des paysages : j'adopte ce réglage lorsque je veux
obtenir la meilleur résolution possible et tirer le maximum du grand
capteur.
- en C3 je me suis laissé aller à créer un mode très pictural où je
bloque les ISO à une très haute valeur (25600 ISO), pour obtenir
exprès des paysages très texturés dans le rendu. Je l'utilise en
fixant manuellement le diaphragme sur l'objectif, et en choisissant
la vitesse (et donc le niveau de lumière que je désire) sur la
mollette à l'arrière de l'appareil. Je fais alors des images pour un
certain type de rendu... le fait d'obtenir un rendu texturé à la
prise de vue est plus agréable que de le plaquer sur une image
normale dans Photoshop. Il y a toujours des accidents de résultats
en prise de vue directe qu'on peut alors intégrer au vol parce
qu'ils semblent intéressants. Disons que c'est un mode de prise de
vue qui peut correspondre à une approche artistique, que peuvent
apprécier ceux d'entre vous qui aiment à s'imposer des contraintes
particulièrement fortes en amont de la prise de vue (en sténopé par
exemple...)
La
place de la poste à Rochechouart, photographiée à 1600 ISO au
1/3200e. Le détail ci-dessous, en taille réelle, vient de la zone
encadrée en rouge :
Le
grain obtenu sur cette image prise à une sensibilité très élevée est
finalement très pictural et j'ai tendance à le préférer pour la
représentation des lointains à la représentation plus détaillée
obtenue à 100 ou 200 ISO sur pied !
Avec l'expression de ces différents
modes on peut mieux comprendre ce qui fait de cet appareil un outil
intéressant pour les professionnels ou les artistes. Dans un format
réduit on trouve une technicité importante, la possibilité
d'associer une quantité incroyable d'objectifs anciens, et
l'expression possible, au travers des modes, d'approches techniques
très différenciées.
Au final, on retrouve dans cet
appareil un aspect qui est également présent dans la moindre chambre
: l'appareil ouvre des possibles multiples, permet de jouer avec des
faisceaux de contraintes, et ouvre, largement au-delà du cadrage et
de la réflexion sur le sujet, à une vraie réflexion sur les moyens
d'expression. L'absence de stabilisation, handicap réel, oblige
à penser autrement la photographie.
Lire aussi
sur le Sigma fpL
www.galerie-photo.com/sigma-fpl-test.html
|