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l'auteur

  

Christophe Metairie



 

14, chemin d’arancette
64100 Bayonne
0622594660

 ancien ingénieur du son
pour la télévision
formation audiovisuelle à
l'EFET (Paris 12e)

pratique la photographie depuis 25 ans

domaine de prédilection
photographie de paysages

 calibration des systèmes
 de prise de vue et d’impression
www.cmp-color.fr
christophe.metairie
@numericable.fr

 

Reprise et adaptation
de l'article publié sur
www.cmp-color.fr
 


 

 

Optimisation et utilisation d'un sténopé 8x10"

par Christophe METAIRIE


Sténopé 8x10 de construction artisanale

Introduction

Le sténopé est un appareil photographique très simple, sans dispositif optique complexe : un simple trou de petite taille remplace l'objectif et se comporte alors comme un centre de symétrie : les rayons lumineux passent au travers du sténopé (le trou) sans être déviés ni focalisés. Il en résulte une image projetée sur la surface sensible (le film) inversée haut/bas et gauche/droite, avec une profondeur de champ pratiquement infinie, une absence totale de distorsion, une perspective naturelle, une résolution assez faible et un vignettage en général assez prononcé.

Le rendu d'une image réalisée au sténopé est particulier : le centre de l'image est nettement mieux défini que les bords et les coins, mais reste assez mal défini si on le compare à celui que l'on obtient sur un système de prise de vue comportant une optique. On ne pratique pas le sténopé pour le rendu des détails, on pratique le sténopé parce qu'on apprécie ses défauts !

L'invention du sténopé date de bien avant l'apparition de la photographie : certains l'attribuent aux chinois 400 ans avant J.C, d'autres à un scientifique arabe du XIEME siècle nommé Abouy Ali Al Hassan Ibn Al Haytham, premier scientifique à étudier une éclipse solaire à l'aide d'un sténopé. Dans tous les cas ce phénomène a été constaté et utilisé bien avant d'avoir la possibilité de fixer les images sur une surface sensible à la lumière.

Les paramètres qui définissent le rendu

 


Le sténopé : support métallique trouvé chez un revendeur internet
au centre, le sténopé de chez Stenocamera (en Bretagne)
diamètre 0.37mm


Un des disques sténopé commandés chez Stenocamera

La construction d'un sténopé est simplissime : c'est une simple boite étanche à la lumière (en carton ou en bois) munie d'un trou sur sa face avant et d'un dispositif pour recevoir le film sur la face arrière.

Mon sténopé est basé sur une boite en bois avec une partie arrière prévue pour recevoir des châssis 8x10" standards et une partie métallique avant permettant de changer facilement le sténopé (le mot sténopé vient du grec ancien "stenos " qui signifie "étroit" et "opê" qui signifie "trou"). Le châssis 8x10"est plaqué sur le boîtier par 3 vis moletées et de la mousse noire a été collée sur le boîtier afin d'avoir une bonne étanchéité à la lumière.

3 paramètres caractérisent un boîtier sténopé : le diamètre du sténopé (le trou), la distance focale (la distance entre le sténopé et le film) et bien sûr la taille (le format) du film utilisé. Commençons par ce dernier.

Le format du film

La taille (ou format) du film utilisé se détermine en fonction de l'utilisation ultérieure des images : si le but est d'obtenir des images imprimables en grande taille, il est nécessaire de choisir un format de film adapté : la résolution d'un sténopé étant assez faible, les puristes préconisent le tirage contact pour une qualité d'image optimale, c'est à dire une taille de tirage égale à la taille du négatif. Les tirages que je veux obtenir seront aux environs de 40x50cm ; pour rester dans des formats de film standards j'ai choisi d'agrandir 2 fois un négatif 8x10 inch (20x25 cm). La qualité d'image reste acceptable et le choix fait évite de tomber dans des formats de film exotiques difficiles à trouver et à scanner.

Il faut bien se rendre compte que la qualité d'image n'augmente pas de façon linéaire avec l'augmentation du format de film : si un négatif 8x10" a une surface 16 fois plus importante qu'un négatif 6x6cm, la qualité d'image n'est pas 16 fois meilleure ! Le diamètre du sténopé étant très différent dans les 2 formats, la résolution optique résultante est moins bonne sur le négatif 8x10" que sur le négatif 6x6cm. Bien sur, vu la surface de film beaucoup plus importante, l'image comporte plus de détails en 8x10" qu'en 6x6cm... mais pas 16 fois plus !

La distance focale

la distance focale détermine l'angle de champ du système : de très larges angles de champ sont possibles et même conseillés. Ils constituent l'avantage principal du sténopé : celui de disposer d'angles extrêmes tout en évitant les distorsions optiques et en conservant une perspective naturelle.

La focale se mesure simplement : c'est la distance qui sépare le sténopé du film (grossièrement c'est l'épaisseur du boîtier). Choisir une focale au minimum du tiers de la diagonale du format est une bonne base pour un angle de champ très ouvert et une qualité optique correcte. Mon sténopé offre une focale de 105mm, soit le tiers de la diagonale du format 8x10" (diagonale de 32 cm), qui donne un angle de champ d'un peu moins de 120°. Le logiciel PinholeDesigner permet de faire ce calcul simplement :


Calcul de l'angle de champ dans PinholeDesigner

Le diamètre du sténopé

le diamètre du sténopé est choisi en fonction de la focale du boîtier. Il faut impérativement choisir un diamètre adapté à la focale : si le sténopé est trop petit la diffraction limitera fortement la résolution des images, de la même façon si le trou est trop grand l'image ne formera pas correctement.

Il existe des formules pour calculer le diamètre optimal d'un sténopé et le logiciel PinholeDesigner propose cette fonction. Il m'est apparu dans la pratique que le diamètre calculé d'après les paramètres par défaut du logiciel ne semble pas idéal, les images obtenues avec le diamètre théorique (0.44mm pour du 8x10" et une focale de 105mm) sont nettement moins bonnes que celles obtenues avec un diamètre de 0.37mm. Après discussion avec Thierry Gonidec de chez Sténocaméra, il semble que les paramètres par défaut concernant la longueur d'onde de la lumière (light wavelength) et la constante C soient assez mal choisies dans le logiciel. Pour un calcul correct du diamètre du sténopé, il faut remplacer la longueur d'onde de la lumière (flèche 3) par 1 et la constante C (flèche 4) par 0,03679. Une fois ces valeurs corrigées et la focale de votre sténopé rentrée (flèche 1), le résultat du calcul est correct et reflète la réalité (flèche 2).


Calcul du diamètre idéal du sténopé en fonction de la focale :
attention, les valeurs qui concernent la longueur d'onde de la lumière et la constante C sont à modifier, les valeurs par défaut étant erronées.

Pratique


Baie de Saint Jean de Luz depuis le fort de Socoa sténopé 8x10", focale 105mm, f/284 ( 0.37mm ), pose 23 secondes film négatif noir et blanc Foma Fomapan 200

 

Avant d'effectuer les premières prises de vues au sténopé, il faut définir quelle est son ouverture relative réelle : le calcul est simple, répondant à la formule :

ouverture réelle = distance focale / diamètre du sténopé,

soit dans mon cas : 105 / 0.37 = 284.
L'ouverture est donc de f/284 ... ça change des f/2.8 que l'on rencontre dans les reflex ! Une telle ouverture va générer des temps de pose très longs, de l'ordre de 20 secondes en plein jour avec un film 200 iso, ce qui me plaît assez puisque j'utilise souvent des filtres gris neutre pour allonger les temps de pose.. ici je peux m'en passer !

 


Port de Guetarry sténopé 8x10, f/284, 15 secondes

 

Pour simplifier les calculs sur le terrain, le logiciel  PinholeDesigner propose de créer une table de correspondance avec le diaphragme f/22. Après impression de cette table, lors des prises de vues, le tableau imprimé permet de faire une mesure de lumière pour f/22 et donne la correspondance pour le diamètre de votre sténopé avec ou sans écart à la réciprocité pris en compte (type de film à choisir dans une liste).

Nous voyons ci-dessous cette fonction assez simple à utiliser : après avoir entré l'ouverture relative du sténopé (flèche 1) puis coché "reciprocity failure" et renseigné le type de film utilisé (flèche 2),  PinholeDesigner donne la correspondance entre la mesure "f/22" et la mesure "f/284" (flèche 3).


Calcul de l'exposition :
correspondance entre l'ouverture relative du sténopé et f/22. Il est important de cocher "reciprocity failure" pour que les temps calculés prennent en compte l'écart à la réciprocité lors des poses longues.

 

Un exemple : si la mesure à la cellule à main (réglée sur 200 iso) donne 1/60éme de seconde pour f/22, le temps de pose réel pour notre sténopé et notre film (ici du Fomapan 200 iso) sera de 19 secondes. Ce tableau incluant l'écart à la réciprocité est indispensable parce que :
- l'écart est difficile à estimer (sa progression n'est pas linéaire)
- le temps de pose au sténopé est souvent de plusieurs secondes même en plein jour si bien que l'écart à la réciprocité doit être systématiquement pris en compte.

Il est possible de sauvegarder ces données sous la forme d'un tableau excel, qui pourra être imprimé pour une utilisation sur le terrain.

 


Pins de landes, Tarnos
sténopé 8x10, f/284, iso 200, 1 minute 42 secondes,

le sténopé était en position horizontale

Quelques observations

Visée

L'angle de prise de vue étant très large et le viseur aux abonnés absents, il faut un minimum de concentration et d'habitude pour visualiser mentalement l'organisation des différents éléments dans le cadre. Mes premières prises de vues ont été décevantes mais le traçage de l'angle de champ "utile" sur la tranche du boîtier m'a permis de le matérialiser plus aisément. Cet angle "utile" a été tracé en prenant une marge d'environ 10 degrés de chaque coté sur l'angle de champ réel.

Obturateur

Vous aurez sûrement noté qu'il n'y a pas d'obturateur sur ce sténopé, c'est la technique ancestrale du bouchon qui est utilisée : un bouchon est placé devant le sténopé, le volet du châssis est enlevé et après avoir retiré le bouchon devant le sténopé, l'exposition du film commence. A la fin du temps d'exposition le bouchon est remis sur le sténopé et le volet du châssis est remis en place.
Les temps de pose (pour 200 iso) allant de 6 secondes (en plein soleil) à plus de 15 minutes ( journée nuageuse dans un sous bois), une précision autour de la seconde est largement suffisante !

Développement

Le développement des plans film se fait "à la maison" avec une cuve Jobo Drum 3005. 5 plans films sont développés simultanément et la rotation de la cuve est manuelle sur un support maison. La cuve permet un développement très uniforme des plans films et utilise assez peu de chimie. Si le chargement des plans films dans la cuve a lieu dans le noir, le cycle de développement peut se faire en plein jour (disons plutôt en lumière atténuée).


la cuve Jobo Drum 3005 permet d'utiliser un minimum de
chimie et le développement est bien uniforme

Les plans films sont ensuite scannés sur un scanner epson V700 à une résolution de 720 dpi. Le film est directement placé sur la vitre du scanner ; j'ai choisi un film ancien en 200iso avec des grains suffisamment gros pour éviter les anneaux de newton lors du scan avec le coté émulsion placé directement sur la vitre.

Avec la résolution disponible sur les négatifs il est inutile de scanner à plus de 720 dpi.

Pourquoi 720 dpi ? Un scan à 720 dpi et un agrandissement x2 lors de l'impression donne une résolution au tirage de 360 dpi (720/2), résolution qui correspond à la résolution interne du driver du traceur epson Pro 7900 que j'utilise pour les tirages, autrement dit aucune interpolation n'est opérée lors de l'impression. Ce n'est pas primordial, mais bon ... quand on a le choix, autant faire correspondre directement la résolution des fichiers et la résolution du driver d'impression.

 


Friche industrielle, Tarnos sténopé 8x10, iso 200, f284, 18 secondes

 

Conclusion

J'aime beaucoup le rendu du sténopé 8x10" sur des tirages 40x50cm. Le centre de l'image est assez défini pour avoir une sensation de détail suffisante même lorsque l'on s'approche très près du tirage, les flous et le vignettage sur les bords et les coins du tirage sont particulièrement esthétiques. Comme je le disais au début de cet article, il est clair que même le centre des tirages est largement moins net que si la photo avait été faite avec un boîtier numérique comportant 20 millions de pixels, mais ce n'est pas le but de l'opération ! Je réserve mon Pentax 645D à la couleur et le sténopé risque de devenir mon outil favori pour le paysage en noir et blanc, son rendu et son angle de champ étant parfaitement adaptés à ce que je recherche.

L'absence d'objectif permet la restitution de la perspective de façon très naturelle malgré des angles de champ très ouverts, ce qui n'est pas le cas sur un système comportant une optique conventionnelle.

Pratiquer la photographie argentique avec un sténopé 8x10" en 2013 peut paraître anachronique : oui, justement, c'est ce décalage qui permet de travailler différemment et de produire des images avec un aspect si particulier. S'ajoute à la particularité du rendu le plaisir de travailler en argentique grand format.

J'aime beaucoup faire du sténopé : après avoir pratiqué ces dernières années avec du matériel numérique moyen format, je dois dire que redécouvrir le film noir et blanc avec un sténopé est très agréable et il y a un plaisir bien réel à retrouver la chambre noire et les odeurs des chimies noir et blanc !

Avec le sténopé il n'y a pas de viseur, pas d'électronique, pas de question métaphysique sur la profondeur de champ ou la mise au point. Les seuls éléments sur lesquels il faut se concentrer sont le cadre (approximatif) et la mesure de la lumière. C'est une photographie qui va à l'essentiel et il est bon d'y revenir parfois !

 

Reprise et adaptation
de l'article publié sur
www.cmp-color.fr
 

 

 

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dernière mise à jour : 2013

 

     

 

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