L’expérience d’Alec Jeser
à la chambre 20x25

Pourquoi travaillez-vous en 20x25 ?
J’ai d’abord découvert le grand format à travers les
photographies d’Edward Weston qui a essentiellement travaillé avec
sa chambre 20x25 et qui effectuait des contacts pour ses tirages.
J’apprécie également le travail de photographes plus récents comme
Richard Misrach, Joël Meyerowitz, Andreas Gursky, Jean-Marc
Bustamante, qui tous utilisent le grand format pour leur travail.
Il y a quelques années, j’avais déjà l’expérience de
différents moyens formats, Hasselblad, Rollei, Mamiya, Pentax… Je
peux dire que toutes les marques sont passées entre mes mains sans
me donner satisfaction, le principal problème rencontré ayant été
celui de la fiabilité. Ce matériel dit professionnel s’est révélé
décevant sur le terrain. Désolé pour le mythe !
Il n’y a aucune comparaison possible entre une image
réalisée en 20x25 et avec un moyen format. Pour bien comprendre, il
faut comparer les surfaces de film :
Un plan-film 20x25 c’est 60 fois la surface d’un
24x36, 17 fois la surface d’un 6x6, 4 fois la surface d’un 4x5
inches. Autrement dit, il y a autant de différence entre le moyen
format et le format 20x25 qu’entre le 24x36 et le 4x5 !
Il est vrai que les objectifs de chambres sont moins
contrastés que les objectifs de moyen format ou de 24x36. La plupart
des optiques de chambres atteignent au mieux 40 à 50 paires de
lignes par millimètre, alors que les formats inférieurs atteignent
100 paires de lignes par millimètre. C’est la raison pour laquelle
ma préférence va aux objectifs les plus modernes, de type
apochromatiques. La perte de qualité est souvent très sensible sur
les bords en 20x25, c'est pourquoi il est intéressant de choisir des
objectifs qui ont un cercle d’image largement supérieur à celui qui
est nécessaire : cela permet d’utiliser le centre de l’objectif qui
est meilleur. On atteint alors une qualité presque équivalente à
celle d’une optique moyenne de moyen format si on considère une
portion de taille 7x7 cm au centre de l’image. Ce qui est tout de
même extraordinaire !
La qualité époustouflante des photographies
effectuées à la 20x25 m’a souvent permis de voir des chamois et
autres animaux dans les paysages photographiés alors que mon œil ne
les avait pas aperçus au moment de la prise de vue. Quand on promène
sa loupe 5x sur une diapo 20x25, on a la sensation de regarder un
paysage avec des jumelles ! Cela correspond à une image de 100x125
cm vue de près.
Comment en êtes vous venu à la
chambre 20x25 ?
La première fois que j’ai manipulé une chambre avec
ses mouvements, ses décentrements, ses bascules, j’ai senti
immédiatement que j’entrais en contact avec la "vraie" photographie,
celle ou les choix sont déterminés par le photographe et non par une
électronique quelconque, celle ou l’image est un lent et patient
travail du regard.
J’essayais d’abord avec un ami de faire des contacts
en 4x5 inches. C’était très beau, mais ils me paraissaient trop
petits. Je me mettais donc à la recherche d’une chambre 20x25 qui
soit à la fois polyvalente et légère. Finalement mon choix s’est
porté sur la Canham T 6810 qui lie une conception moderne et une
souplesse d’utilisation équivalente à une monorail, pour un poids
raisonnable. J’ai été tenté par la Phillips, mais l’allongement du
soufflet était insuffisant pour les téléobjectifs que je souhaitais
utiliser. La Toyo 810 MII était trop lourde. De toute façon,
chaque chambre a ses avantages et ses inconvénients, c’est une
question de choix personnel. Si cela ne tenait qu’à moi, je
les aurais toutes car ce sont de très beaux outils réalisés le plus
souvent par des artisans passionnés.
La Canham pèse 4,3 Kg , ce qui est léger pour une
20x25. Avec un allongement de soufflet qui dépasse 80 cm, elle
permet aussi bien le paysage que la macro. En vérité on se fait une
idée fausse de la photographie avec un tel engin. On pourrait
croire que cela est long et fastidieux à mettre en place, alors
qu’avec de l’habitude il ne faut guère que 3 minutes pour faire une
photo si nécessaire. Bien sûr quand on passe ensuite au moyen
format, on a l’impression de jouer avec un stylo. C’est une question
de choix mais surtout de sujet.
Dans un premier temps j’ai travaillé en noir et
blanc, mais le développement de chaque plan film est une opération
fastidieuse et j'ai trouvé bien plus excitant de travailler en
diapositive, malgré le coût élevé de chaque image. La première fois
que je vis une diapositive 20x25 cm sur la table lumineuse, j’ai
senti qu’il ne pouvait pas y avoir de moyen plus beau et plus
sensuel pour restituer un paysage ou un objet.
Finalement, en apprenant à sélectionner les prises
de vues, en faisant peu d’images, mon budget a diminué par rapport à
ce qu’il était à l’époque ou je "bracketais" au moyen format, et,
pire, au 24x36.

Travailler à la 20x25 en montagne,
n'est-ce pas chercher la difficulté ?
Faire de la photographie de montagne avec une
chambre 20x25 est insensé, mais c’est pourtant une occupation fort
plaisante. A condition d’accepter de transporter 20Kg de matériel !
J’utilise un sac Lowepro Super-Trekker qui a vraiment une ergonomie
optimale pour le dos et un système astucieux pour le trépied, mais
dont l’inconvénient est de peser environ 5 Kg à vide. A cela il faut
ajouter le poids de la chambre, des optiques, du trépied. Il faut
aussi penser à nourrir le photographe-porteur et c’est donc une
vingtaine de Kg sur les épaules.
Pour pouvoir porter ce matériel, je me livre à un
entraînement sportif toute l’année : 2 heures de marche par jour, de
la natation, des randonnées rapides sur le terrain. Ce qui compte,
ce n’est pas la performance, mais il faut être préparé.
Quels sont les accessoires utiles en
20x25 ?
La dimension du dépoli 20x25 est une grande source
de plaisir. Quand on demandait à Edward Weston pourquoi il ne se
séparait pas de sa chambre 20x25, alors que l’ Hasselblad existait,
il répondait qu’il préférait la vue offerte par le dépoli de la
20x25 et qu’il considérait cela comme essentiel. J’utilise un verre
dépoli Bosscreen que je considère comme une invention géniale. Le
confort de visée est incomparable. Le seul défaut d’un tel verre est
sa sensibilité à la chaleur, car il ne supporte pas les
températures supérieures à 50°C.
Quant au trépied, j’utilise un Gitzo Carbone 5 qui
est très pratique. Il ne faut pas lésiner sur la qualité du trépied.
La stabilité est plus importante que la qualité de l’optique. Une
optique même moyenne donnera le meilleur d’elle-même avec un bon
trépied, alors qu’une optique super piquée donnera des images floues
avec un trépied insuffisant. Une fois de plus cela pose un problème
de poids. Un bon trépied est toujours d’un poids au moins équivalent
au matériel qu’il doit porter. Mon pied carbone avec sa rotule pèse
5 KG, la chambre Canham avec son optique pèse aussi 5 KG.
Il faut aussi utiliser une cellule qui offre la
possibilité de la mesure spot. Il est bon de connaître un brin de
sensitométrie et les limites précises des films. J’utilise mon
ancienne Minolta IV sur laquelle j’ai monté un spotmètre.
Il faut bien sûr toujours utiliser un déclencheur
souple. Ma préférence va au déclencheur pneumatique à poire.
Quels sont les inconvénients du
20x25 ?
- le poids est élevé, même avec une chambre en bois.
- la prise au vent. La dimension d’une chambre 20x25 offre une forte
prise au vent. La netteté chute de manière implacable même avec une
brise légère.
- la faible profondeur de champ, du fait de l’utilisation de longues
focales (le standard est un 300 – 360mm). C’est la principale
faiblesse par rapport au 4x5 inches. Si on diaphragme trop, la
diffraction apparaît et fait chuter les performances optiques.
- enfin il faut apprendre �������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������� bien régler ses bascules, ce qui est
difficile au début.
... et les avantages du
20x25 ?
- comme toute chambre, la capacité de
mouvements permettant de travailler la perspective et le plan de
netteté.
- une qualité incomparable en netteté.
- un rendu phénoménal des volumes et des espaces.
- le rendu des nuances de couleurs dans les moindres détails, aussi
bien dans les hautes lumières que dans les ombres. Même en comparant
au 4x5 inches, j’ai constaté une bien plus grande tolérance, que ce
soit dans les ombres ou les hautes lumières. Ainsi le format 20x25
peut parfaitement restituer un violent contre-jour, avec des détails
dans le ciel aussi bien que dans les ombres.
- l'excellent rendu des contrastes : même les sujets très contrastés
sont restitués avec finesse en 20x25.
Sur ces 3 derniers critères, je considère le 20x25
comme étant d’une supériorité réelle comparé au 4x5, et d’une
suprématie écrasante par rapport au moyen format, spécialement en
diapositive couleur.
Le manque d’autonomie en matière de films est un
faux problème en 20x25. En effet il n’est pas possible d’emmener
plus de 4 à 6 plan-films sur le terrain ( 2 ou 3 châssis). Bien sûr,
cela exclut toute possibilité de "bracketer" comme on le fait en
roll-film. On peut tout au plus doubler une vue. On apprend ainsi à
travailler assez son regard pour éviter de gâcher de la pellicule.
Vous ne parlez pas du coût ?
La question du coût d’un tel équipement ne manque
pas de se poser. Mon expérience personnelle m’a amené à me détourner
du marché de l’occasion, source de déceptions, pour me tourner vers
du matériel neuf et récent. Il me semble très important, pour autant
que l’on souhaite faire des agrandissements, d’utiliser des
objectifs modernes et de préférence apochromatiques. Bien sûr un tel
matériel est cher, mais pour un budget équivalent à celui d’un
équipement moyen format ‘pro’ on peut s’équiper de manière optimale.
On est assuré d’avoir un matériel simple pour de longues années. Une
chambre ne se démode pas ! Et à moins de la laisser tomber, elle n’a
aucune raison de tomber en panne, même si l’on travaille par -15°C
ou en plein désert.
Finalement on peut aller vers le
20x25 par pur plaisir ?
J’aime particulièrement cette phrase de Walker
Evans, qui utilisait tous les appareils possibles et imaginables, de
la chambre 20x25 à l’appareil miniature :
"Artiste ou pas, le photographe est un joyeux
sensualiste pour la simple raison que l’œil se frotte aux
sensations, non aux idées".
Cette sensualité et le plaisir que l’on peut avoir à
magnifier ce qu’on voit est certainement une motivation suffisante
pour travailler à la chambre 20x25. Il m’a souvent semblé, face à la
force de ce que je voyais, que seule la chambre 20x25 pouvait rendre
justice à ce qui se déployait sous mes yeux.
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dernière modification de cet article
: 2001
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